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1933 - The Slash - Bloody to Fair


Vestiges, ou nouveaux prologues II : L'esclave de la richesse




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"…Qui est là ?" demanda l'homme, apparemment à lui-même. Il était visiblement seul dans le grand bureau. Mais une ombre sortit de l'obscurité et s'avança dans la lumière projetée par la seule lampe de la pièce, comme en réponse à sa question.


"Vous n'avez pas besoin de le savoir," dit la silhouette élancée, en se rapprochant de sa cible. C'était Chi. "Vous serez bientôt mort de toute façon."


"U-un assassin ? Qui vous a envoyé ?"


Les griffes métalliques attachées aux bras de Chi luisaient avec un éclat cruel, et son regard était déjà fixé sur la gorge de l'homme.


"Attendez ! Je, je vous paierai ! Le double de ce qu'on vous a offert ! Non, le triple ! Ne me tuez pas !"


"J'ai déjà entendu ce refrain plus de fois que je ne saurais compter. Mon partenaire se serait peut-être laissé tenter. Il n'en fait qu'à sa tête. Pas moi."


Chi secoua la tête, lentement, comme s'il avait pitié de sa cible, mais il ne ralentit pas pour autant.


"Mais, mais mais attendez ! Discutons-en ! L'a-l'argent ne vous intéresse pas du tout ?!" cria l'homme, se relevant brusquement de sa chaise comme s'il allait tenter de fuir, mais Chi fut plus rapide. Il passa d'un pas lent à un sprint aveuglant en un rien de temps, avalant la distance qui les séparait.


"Hmph. Vous n'êtes rien d'autre que l'esclave de votre richesse," marmonna Chi, levant un bras en se préparant à trancher la gorge de l'homme en passant devant lui.


"Dois-je prendre ça pour un refus ? Je vois."


La terreur panique dans les yeux de l'homme s'évanouit instantanément, et sa voix se fit plus glaciale qu'un iceberg.


"C'est bien dommage."


Chi sentit une onde de choc le heurter de plein fouet.

Il aurait suffi d'un pas de plus pour qu'il atteigne sa cible, mais il se figea sur place ; quelque chose lui avait transpercé l'épaule, et moins d'une seconde après une souffrance inouïe lui paralysa le bras.


"Argh…"


La force de l'impact le projeta en arrière ; malgré la douleur qui menaçait de le faire rouler au sol, il parvint à repérer un détail étrange. Un petit trou était apparu dans la vitre derrière sa cible, et le verre était fissuré comme une toile d'araignée autour de l'impact.


'Un sniper…?!'


Avant que Chi puisse reculer d'un pas de plus, une ombre s'abattit sur lui.


"Qu'est-ce–"


La main de la personne dans l'ombre se resserra autour de son bras sans lui laisser le temps de voir de qui il s'agissait. Il contracta ses muscles pour essayer de se dégager, mais son assaillant inconnu le retenait avec une telle force qu'il avait l'impression d'être coincé dans un étau.


'Qu'est… Qu'est-ce qui se passe avec mes jambes ?!'


La main était serrée autour de son bras, mais c'était ses jambes qui étaient en train de se vider de leur force. Ses genoux cédèrent, lui faisant perdre l'équilibre, et avant qu'il ait pu comprendre ce qui lui arrivait, il se retrouva plaqué sur le dos, la tête tournée vers le plafond.


Quelque chose pressait doucement contre son cou.


Sans qu'il sache comment, le coupe-papier en forme d'épée qui traînait sur le bureau de sa cible s'était retrouvé appuyé contre la gorge de Chi, maintenu dans un équilibre précaire par la semelle de son assaillant. Elle pesait aussi délicatement qu'une plume sur la poignée. L'ustensile était maintenu en place si soigneusement que la pointe ne s'enfonçait même pas d'un millimètre dans la peau de son cou. Mais Chi était conscient que si l'homme au-dessus de lui appliquait la moindre pression sur le coupe-papier, la pointe émoussée s'enfoncerait dans la chair tendre de sa gorge aussi facilement que la plus aiguisée des lames. Il se figea, osant à peine respirer. Il ne craignait pas la mort, mais la créature qui se trouvait à l'autre extrémité de ce coupe-papier émanait une aura tellement imposante qu'il en était coi.


Un instant passa en silence, puis l'homme qu'il était venu éliminer, le sénateur Manfred Beriam, ouvrit la bouche.


"Ne le tuez pas, M. Walken."


"Anciennement Walken, monsieur," répondit tranquillement la silhouette dans l'ombre. "Je vous l'ai dit, j'ai vendu ce nom à quelqu'un d'autre il y a longtemps."


"Alors trouvez-vous en un autre."


"J'ai été rejeté par Dieu et trahi par mon pays. Je n'ai pas besoin de nom."


"Il vous en faut tout de même un pour que je puisse vous appeler quelque chose."


Un toc toc contre la vitre vint interrompre leur discussion. Beriam se retourna et vit de l'autre côté du carreau un homme qui tenait un fusil si long qu'on aurait dit une mauvaise imitation. Un imperméable couvrait presque entièrement son corps, et une bande de tissu noir était drapée par dessus ses yeux, arborant comme logo un réticule de visée. On distinguait à peine son visage, mais le peu qu'on pouvait voir semblait être couvert de vilaines cicatrices.


"Alors, monsieur ? C'est du bon boulot, hein ?"


"…Mmm. En effet. Je vous remercie, M. Spike."


"Pff, vous pouvez garder les remerciements. Je me contenterai de la prime," répondit le tireur d'élite apparemment aveugle, avec un sourire mauvais qui déformait ses cicatrices.


Beriam ignora la remarque du mercenaire et s'avança vers Chi, en le toisant de toute sa hauteur.



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"Qu'en dites-vous ? L'argent n'est pas la réponse à tout, mais cela ne l'empêche pas de résoudre de nombreux problèmes. À titre d'exemple, le pouvoir que m'apporte ma fortune me permet de me payer les services d'hommes de main comme eux."


Chi resta muet et attendit qu'on lui porte le coup fatal, mais Beriam ne semblait pas désireux de lui accorder la fin qu'il attendait.


"Vous êtes Hong Chi-Mei… Un membre des Lamia, il me semble ?"


Chi ne put retenir un hoquet de surprise lorsque la cible annonça son nom, et il écarquilla les yeux. Il savait que le sénateur Beriam n'était pas un homme ordinaire - il était impliqué dans les événements du Mist Wall, après tout - mais il ne s'attendait pas à ce que l'homme le reconnaisse.


"J'ignore si vous êtes venu ici sur un ordre de Huey Laforet, ou pour remplir un contrat sur ma tête, et à vrai dire cela m'importe peu. Je veux que vous transmettiez un message à votre créateur," reprit Beriam, en dévisageant Chi d'un regard si glacial que l'homonculus eut l'impression que la pièce s'était transformée en chambre froide. "Dites-lui ceci : cette nation n'est pas un terrain de jeu pour les monstres comme vous."




L'ancien Felix Walken et Spike traînèrent Chi hors du bureau, laissant le sénateur seul dans la pièce.


"Si Laforet avait voulu se débarrasser de moi," réfléchit-il à voix haute, "Hong ne serait certainement pas venu seul. Hmm. Peut-être était-ce un coup de Homer, le chef de la branche new-yorkaise. Il est assez lâche pour tenter sa chance ainsi."


Beriam s'enfonça dans le cuir luxueux de son fauteuil, et leva les yeux vers le plafond.


"Huey Laforet… Victor Talbot…" murmura-t-il, et bien qu'il soit seul dans la pièce, c'était comme s'il s'adressait directement aux deux hommes en question. "Quelle fortune avez-vous gagné en échange de vos âmes ? Quel pouvoir le diable vous a-t-il offert en compensation ? Rien. Vous n'avez rien gagné. Vous avez seulement abandonné votre condition mortelle."


Sa réflexion fut interrompue par un coup frappé à la porte.


"Père ? Puis-je entrer ?"


"Bien sûr, mon ange. Mais ne devrais-tu pas être couchée à cette heure-ci ?"


La porte s'ouvrit et une jeune fille passa la tête dans l'interstice avec hésitation.


"J'ai entendu quelque chose tomber dans le bureau et ça m'a réveillé. J'avais peur qu'il te soit arrivé quelque chose."


"Ha ha, ce n'était rien. J'ai fait chuter quelques livres de la bibliothèque par erreur, c'est tout. Ça m'apprendra à agir avec précipitation."


La jeune fille sourit, soulagée de retrouver son père sain et sauf. Elle passa sans rien remarquer au dessus de la tâche de sang laissée par Chi sur le tapis noir et courut se jeter dans les bras de Manfred Beriam. Le sénateur la serra doucement dans ses bras, mais son attention était ailleurs.


'L'esclave de la richesse ? Une épithète appropriée, dans un sens.


Mais je vais vous montrer, Huey Laforet. Bien que l'argent et le statut social ne soient que des choses matérielles, le pouvoir qu'ils détiennent ne cédera jamais face à vous, un homme qui a rejeté son humanité. Ce sont les marques de pouvoir les plus basiques, les symboles primordiaux que l'homme a créés à travers les âges.


Oui, je vais vous montrer. Je vais vous montrer à vous tous, vous qui avez testé les limites de l'humanité et décidé de les franchir allègrement. Je vais vous montrer le pouvoir des humains. Le pouvoir que détiennent les êtres mortels, aussi faibles et fragiles puissent-ils être, condamnés à une vie courte et à une mort inéluctable.'


Beriam réaffirma sa conviction et serra Mary dans le creux de ses bras, comme s'il essayait de garder sa fille chérie à l'abri de la tempête à venir.


La tempête qui approchait peu à peu, sans un bruit…




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À suivre dans Baccano! 1934



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