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2001 - The Children Of Bottle


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Illustrations


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Observations personnelles sur l'Immortel Elmer C. Albatross


Rédigées par : Huey Laforet (Immortel, Terroriste)




Elmer C. Albatross. Mon ami, et la seule personne au monde que je considère comme "humaine". Tout le reste – ma propre fille incluse – n’est rien d'autre qu’un sujet d'expérience. J'ignore pour quelle raison, je me suis surpris à songer à lui aujourd'hui, le jour de mettre mon plan à exécution ; aussi ai-je décidé de coucher mes idées sur le papier pour ne pas les laisser se perdre.


Sa vie fut placée sous le signe du désespoir. Non, peut-être serait-il plus exact de dire que c’est la seule chose qu'il ait connue. Cet homme portant le nom d'Elmer ne naquit que dans le but de connaître le désespoir. Il fut conçu pour servir de sacrifice à un culte. En d'autres termes, sa propre mère lui donna naissance dans l'espoir qu'il soit sacrifié.


Ce noble sacrifice fut maltraité en signe de respect, et torturé en signe d'amour. Il vécut à la merci de douzaines, non, de centaines de fanatiques et de leurs espoirs malsains. Une décade s'écoula, et miracle, il fut secouru. Ou peut-être serait-il plus approprié de dire qu'il tomba dans un désespoir encore plus profond.


La chasse aux sorcières se répandait dans toute l'Europe comme une traînée de poudre, menée par ceux qui condamnaient à tort d'innombrables âmes innocentes… L'influence de ces personnes finit par s'abattre sur ce culte également. Le garçon qui devait devenir un sacrifice humain fut sauvé, moins de quelques secondes avant que la lame de la sublimation ne frappe sa tête. L'enfant qui avait été mis au monde et condamné par des hérétiques fut ensuite élevé comme le garçon sauvé par la Grâce Divine.



Quand j'ai fait sa rencontre, cinq ans après les évènements susmentionnés, il riait tout en m'expliquant son passé singulier.


"C'est là que j'ai compris qu'il n'existait aucune espèce de Dieu en ce monde. C'est pour ça que je veux faire rire les gens par moi-même."


Bien que le sourire d'Elmer ait été rayonnant, je ne pouvais m'empêcher de penser que c'est précisément ce sourire qui exposait toute la noirceur en lui.


"Je ne sais pas très bien ce qu’est cette émotion que tu appelles le bonheur. Je ne sais même pas si l'expression sur mon visage en ce moment est un sourire authentique. C'est sûrement pour ça que je tiens à voir le monde entier souriant et heureux. Je me dis que le jour où ça arrivera, je parviendrai à avoir confiance en mon propre sourire."


Mais peut-il, lui l'homme qui ignore tout du bonheur ou de la joie, l'apporter à d'autres ? Je lui ai posé cette question et il a éclaté de rire, comme si elle ne faisait que l'amuser encore plus.


"Je vois. Au fond, tu veux dire que mes actes sont égoïstes et dépourvus de sens… C’est marrant, tu ne trouves pas ?"



C'est un homme heureux. Alors que cette pensée me venait en tête, j'ai ressenti une pointe de jalousie dans mon cœur, et pour la première fois de ma vie j’ai éclaté de rire devant quelqu'un.



J'ai encore beaucoup à écrire, mais il semblerait que les hommes du FBI viennent d'arriver. Hé bien, Victor est encore plus impatient que d'hab


(le reste de la page est vierge)





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La femme connue sous le nom de Sylvie Lumière, Immortelle


Par Togo Denkuro (Immortel, Sans emploi)




Seule la soif de vengeance était visible dans les yeux de Sylvie.


Quand votre humble servant est descendu du bateau, ce serait un mensonge de dire qu'il ne portait en lui aucune haine envers Szilard. Mais les yeux de la jeune fille brûlaient d'une flamme dont l'ardeur surpassait même celle de Maiza, qui venait de perdre son frère cadet. Bien que Sylvie ait été décidée à s'ôter la vie suite à la traîtrise de Szilard, les efforts conjugués de Maître Maiza et Maître Elmer semblaient être parvenus à la ramener à la raison. Mais votre humble servant réalisa que ses yeux étaient remplis non pas de tristesse, mais d'une rage sourde.


"Sylvie, il ne faut pas que tu ressasses ce qui est arrivé. Ce n'est pas ce qu'il aurait voulu."


"Oui, je sais. Je vais bien maintenant."


Bien que Sylvie ait gardé le sourire en répondant aux mots de Maître Maiza, la lueur dans ses yeux était restée identique.


Alors que nous débarquions du navire, elle a dû deviner le regard de votre humble servant. Dans un chuchotis à peine audible, son visage sur le point de fondre en larmes à tout instant, et pourtant porteur d'une haine terrifiante, elle s'exprima.


"M. Denkuro… Quand ces sentiments terribles finiront-ils par se dissiper ? Pensez-vous que cette tristesse, cette colère, finira par disparaître au cours de cette longue éternité qui nous attend ?"


Tandis que votre humble servant cherchait désespérément les mots adéquats pour répondre à la jeune fille, son visage se durcit et elle poursuivit d'un ton sec, avec des mots hachés : "Alors je n'ai nul besoin de l'éternité."


En vérité, sous ce doux visage se dissimulait une volonté d'acier. Hélas, nul n'aurait su dire si sa résolution était pour le mieux ou non. La perte d'un être cher pouvait-elle changer quelqu'un à ce point ? Dans ce cas, comment risquerions-nous tous d’évoluer au long de cette éternité qui repoussait toutes les limites de l'imagination ?


Trois siècles ont passé, et votre humble servant a fini par trouver son chemin jusqu'au village où l'on parlait d'une chanteuse à la description similaire… Hélas, trop tard. Il semble qu'elle ait déjà quitté les lieux, en compagnie d'un homme que votre humble servant suppute être Maître Maiza.


Qu'il en soit ainsi. Votre humble servant a fait vœu de parcourir ces terres étrangères à la recherche de ces visages perdus de longue date. Oh, quand viendra donc le jour pour votre humble servant de fouler à nouveau sa terre natale ?





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Rapport sur l'Immortel Nile (extrait)


Écrit par : Victor Talbot (Immortel, FBI)




(texte omis)


Je m'abstiendrai de noter mes observations personnelles sur le sujet, le dénommé "Nile". Cela pour la simple raison que, en examinant les déclarations du sujet, il est aisé de se faire une idée de sa personnalité.


Déclaration n°1

"Je suis un roi. J'ai été recueilli pour cette unique raison, et nommé après la rivière qui fut ma mère. L'archéologue qui m'a recueilli ne m'a jamais donné de nom de famille, et en retour je ne l'appelais jamais Père."


Déclaration n°2

"Après avoir gagné la vie éternelle, je me suis trouvé en proie à une peur de plus en plus oppressante. La peur qu'un jour, étant devenu un être qui ignorait tout de la mort, j'en vienne à perdre de vue les autres qui ne partageaient pas ma condition. Et ainsi j'ai arpenté tous les champs de bataille. J'ai parcouru la terre entière, une guerre après l'autre, résolu à toujours conserver la mort à mes côtés. Quand bien même celle-ci ne viendrait jamais m'emporter."


Déclaration n°3

"Et au fil des ans, sous mes yeux… ont défilé des piles de cadavres colossales. Je l'affirme : c'était un spectacle auquel j'avais si souvent assisté qu'il en était devenu fatigant.


Mais… Après avoir perdu sur le champ de bataille ceux que j'appelais mes camarades, incapable de les protéger, je pris conscience d'une vérité indéniable. L'immortalité elle-même ne m'affligeait plus. Ce qui m'accablerait véritablement serait l'instant où le monde entier succomberait, m’abandonnant dans une obscurité totale.


Rien n’avait changé. Je pensais que la perte successive de ceux qui m'étaient proches serait la tragédie de l'immortalité, mais je réalisai bien vite que cette idée n'était rien d'autre qu'une folie. Immortel ou mortel, il n'y avait pas de différence. Le nombre de pertes ne signifiait rien. C'était toujours la même chose.


Et pourtant… il y avait une chose qui n’était plus la même. Mon visage. Je pleurais face à ma propre impuissance. Je pensais que mon esprit exploserait de rage, ou serait écrasé de chagrin. Mais le visage qui me fixait depuis la surface miroitante du lac était… presque impassible, avec seulement un soupçon d'amertume.


J'étais terrifié. Terrifié de penser que me jeter à corps perdu dans la guerre pour se souvenir de la mort, pour continuer à exister en tant qu'être humain… avait fini par m'y rendre insensible. Et c'est pourquoi je suis effrayé. Effrayé de contempler mon visage de mes propres yeux."



Le sujet, qui s'est présenté à moi durant la Guerre Froide, m'a fait son récit d'une voix épuisée puis s'est évanoui dans la nature. Au lieu d'envoyer des hommes à sa poursuite, je me suis contenté de lui souhaiter bonne route.


…Au final, envoyer ce rapport ne ferait que fragiliser ma position, alors autant garder ça secret. Mieux vaut m’en servir de journal. Ah, je ne suis vraiment pas fait pour ce boulot. Merde, merde, merde ! Cette bande de…


(l'auteur enchaîne sur une longue liste de récriminations envers les dirigeants du FBI)





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Le pacte passé par les Immortels, Isaac et Miria


Été 2001



"Dis-moi, Miria. Je me fais des idées, ou… nous n'avons pas vieilli du tout ?"


"…"


"…"


"Wouah, tu as raison, Isaac !"


"…Mmm. Je ne sais pas comment c'est possible, mais à ce train-là nous allons finir par assister aux funérailles de tous nos amis. Tu sais, comme dans cette série à la télé. Ceux qui vivent pour l'éternité sont toujours les plus malheureux."


"Oh non…"


"Ne t'en fais pas ! Il faut voir ça autrement. Nos proches finissent de toute façon par mourir, même quand on mène une vie normale, non ?"


"Oui… C'est vrai."


"Et puis d'ailleurs, ce serait très malpoli de se plaindre de notre sort, on ne va quand même pas manquer de respect aux morts. Après tout, le fait qu'on soit tristes pour eux nous rappelle tout le bonheur qu'ils nous ont apportés quand ils étaient vivants !"


"…"


"En Orient, ils disent qu'on doit sonner la cloche 108 fois pour faire revenir quelqu’un à la vie. Ils appellent ça le bonnou, tu sais, comme on dit ‘bon an, mal an’1. Sur 108 années, il y en a forcément de mauvaises, mais il y en aura toujours une bonne ! C'est pour ça qu'au nouvel an, les gens ne se lamentent pas sur l’année écoulée, ils célèbrent celle qui arrive ! Alors au lieu de regarder les gens mourir, nous n'avons qu'à accueillir avec joie ceux qui viennent au monde !"


"…J'ai compris ! Dans ce cas, notre joie et notre tristesse vont s'annuler mutuellement !"


"Tout juste ! C'est pour ça que nous devons profiter encore plus de chaque nouvelle rencontre !"


"Wouah, Isaac, tu es génial !"


"Nous allons attacher 108 cloches à nos vêtements pour montrer notre détermination !"


"54 pour toi et 54 pour moi !"


"Et grâce aux cloches, les gens renaîtront sans arrêt !"


"On les recrée à neuf ! Chaque jour est un nouvel anniversaire !"


"C'est la fête tous les jours !"


"Ouais ! Joyeux anniversaire, Isaac !"



1 Le jeu de mots minable d’Isaac est, comme d’habitude avec Isaac et Miria, basé sur une interprétation boîteuse d’informations de seconde main. C’est une référence à la tradition shintoïste de faire sonner une grande cloche 108 fois à la Saint Sylvestre, une fois pour chaque pensée impure bloquant l’accès au Nirvana. En japonais, ces désirs terrestres sont appelés 百八煩悩 - hyakuhachi bonnou. L’histoire de renaissance provient de la réincarnation bouddhiste : tant qu’une âme ne parvient pas à se libérer des 108 tentations terrestres, elle renaîtra constamment dans le monde mortel sans pouvoir accéder au Nirvana.





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