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2002 [B Side] - Blood Sabbath


Chapitre 6 : L'Enragée du Champ de Bataille se Moque du Désespoir Ambiant




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Le vaisseau de croisière de luxe Exit ; durant la troisième nuit de la croisière.


Pour les passagers qui espéraient profiter de vacances reposantes--

Et pour les Mask Makers qui comptaient perturber le voyage avec toute leur puissance--

Le couperet ne s'abattit que trop brutalement sur leur sensation de sécurité illusoire.




Bien que ce ne soit qu'une impression de surface, le gigantesque monde clos parcourant les mers que renfermait l'Exit semblait paisible.


Cela faisait trois jours que la croisière avait débutée. Le vaisseau sœur Entrance était lui aussi parti depuis l'autre côté du Pacifique, et les deux navires étaient censés se croiser d'ici environ une journée. Même les quelques passagers qui se sentaient nerveux en embarquant avaient commencé à se détendre et à apprécier le voyage.


A ce moment précis--

Leurs vacances agréables--

Leur sécurité--

Leur avenir--

Leur furent arrachés en un instant.




Il avait suffi d'une demi-heure. Il n'avait pas fallu plus de trente minutes pour repeindre ce palace des océans couleur sang.


Et malgré les victimes innocentes que cette tempête écarlate plongeait dans le désespoir--

Quelques heureux élus profitaient de la situation, pris d'une excitation intense par leur lutte en plein chaos.



<==>



Exit, dans la zone de stockage.




[Yo ! C'est toi, patron ? T'es où ?]


'Quoi...?'


'...Je suis dans la zone de stockage, Aging. Hé, qu'est-ce qu--"


Ses mots furent coupés par une décharge de parasites.


"Bon sang..."


Le garçon fronça les sourcils et courut se dissimuler derrière un container.


'Qu'est-ce qui se passe ici ?'


Le Rookie considéra sa situation, respirant difficilement tandis que les hurlements et les bruits de fusillade éclataient dans tout le navire.


Rien de particulier ne se passait ; en tout cas, pas il y a une demi-heure de ça.

Le détournement du navire avait eu lieu sans le moindre problème. Cinq heures plus tôt, il avait été prévenu que les Mask Makers avaient discrètement pris le contrôle de la salle des communications, de la salle de contrôle et de la passerelle sans rencontrer d'obstacle.


"La barbe. J'aurais pu avoir un peu d'exercice s'ils s'étaient fait repérer et qu'on avait eu les hélicoptères de la police aux fesses," s'était plainte Aging. Comme elle était absolument incapable d'agir de façon discrète, elle s'était préparée à couvrir leurs arrières au cas où les choses tourneraient mal, tout comme Illness sur l'Entrance.


Tandis qu'Aging se reposait dans sa cabine, le jeune patron était sorti se promener dans la galerie commerciale pour observer les autres passagers. Ils ne semblaient pas soupçonner quoi que ce soit. Seul un détail le préoccupait : les nombreuses tenues rouge et noir qu'il avait aperçu le deuxième jour semblaient s'être évanouies.

Il avait attribué l'important pourcentage de la foule qui portait ces tenues à un quelconque événement publicitaire organisé à bord, et avait ignoré cette impression--


Et maintenant, il regrettait amèrement d'avoir agi ainsi.




Il entendait les bruits de pas. Une ombre recouvrit l'entrée de la zone de stockage. Quand le Rookie se pencha pour observer l'entrée, il vit qu'un homme se tenait là, vêtu d'un imperméable rouge et noir entièrement boutonné. L'homme pointa vers lui sans aucune pitié la mitraillette qu'il tenait dans les mains.

Ratatatat. Les détonations étouffées résonnèrent dans toute la pièce, et le sol ainsi que la cargaison se trouvant là où se tenait la tête du Rookie il y a encore une seconde volèrent en éclats sous une rafale de balles.


'Qui sont ces tarés ?!'


Les hommes qui l'attaquaient sans répit depuis quelques minutes étaient tous, sans exception, habillés en rouge et noir. Et il n'y avait pas que des hommes ; il avait également vu des femmes. En terme d'âge également, il avait repéré aussi bien des jeunes à peine plus âgés que lui que des vieux à la barbe grisonnante.


Et dire qu'il y a une demi-heure de ça, aucune de ces personnes en rouge et noir n'étaient là. Il pensait encore que tout allait bien se passer. Comme sur des roulettes.

Mais ça, c'était avant d'entendre les coups de feu éclater dans tout le navire, alors qu'il se promenait dans le centre commercial. Une vague de panique envahit instantanément les clients de la galerie. Immédiatement après, les gens en rouge et noir commencèrent à déambuler dans le navire comme s'ils n'avaient pas remarqué le chaos ambiant.


Le Rookie devait se montrer très prudent en contactant les Mask Makers, il avait donc essayé de retourner à sa cabine. Malheureusement--

Il remarqua un groupe de gens en rouge et noir qui s'approchaient de lui. Ces gens n'essayaient même pas de dissimuler leurs armes alors qu'ils fonçaient droit vers lui, se frayant un chemin à travers la foule de passagers en panique.


'...!'


On aurait dit que les autres passagers ne leur importaient même plus. Ces gens, qui étaient manifestement derrière cette crise soudaine, avaient le sourire aux lèvres. Il ne s'agissait pas de sourires sanguinaires, ni de sourires de fous dangereux.


'On dirait... un sourire d'apaisement.'


Le genre de soulagement que ressentait le voyageur qui retrouvait sa chambre à lui, dans son foyer à lui, après un très long voyage. C'était le genre de sourire qu'une personne pouvait distribuer à volonté ; un air de bonté tranquille.


Le garçon réalisa instantanément.


'C'est moi. Ils en ont après moi.'


Un frisson lui secoua tout le corps face à cette réalisation. Son instinct de survie fut le premier à réagir : s'il ne s'enfuyait pas, ces gens allaient le tuer. Son cœur se mit à battre à cent à l'heure, pompant de l'adrénaline jusqu'au bout de ses orteils.


Il se retourna et se lança aussitôt dans un sprint effréné. S'il laissait son hésitation le ralentir, il se ferait cerner en un rien de temps. Il n'y avait qu'une chose à faire. Il courut en ligne droite vers la sortie pour s'échapper de cet endroit.


Avant d'embarquer, le Rookie avait pris soin d'étudier au préalable les plans du vaisseau. Il était censé utiliser ces informations pour acculer Elmer et les autres immortels, mais jamais il n'aurait imaginé devoir y faire appel pour s'échapper d'une situation où c'était lui qui se retrouvait pourchassé.




Voilà comment il était parvenu à atteindre la zone de stockage, mais il venait d'être repéré presque immédiatement. Cependant, il était certain que l'homme qui lui tirait dessus en ce moment ne faisait pas partie du groupe qui le pourchassait initialement. Bien qu'il ait réussi à semer la première vague de ses poursuivants, il n'avait guère eu l'occasion de profiter de son répit.


'Ils sont partout... Mais combien sont-ils?'


Mais ce n'était pas le moment de se poser des questions pareilles. Il devait s'échapper d'ici--


Le Rookie essaya de se faufiler dehors en marchant accroupi derrière le couvert des marchandises. Malheureusement, la zone de stockage était presque vide car il n'y avait pas d'événement spécial prévu durant la croisière. Impossible de trouver une couverture suffisante.


Il avait aussi fait une autre erreur de calcul.

L'homme en rouge et noir se mit à courir tout droit vers lui. Le Rookie avait pourtant réussi à se dissimuler derrière l'un des rares containers de la pièce, qui formait un mur imposant entre lui et son agresseur. Mais l'homme, tenant toujours sa mitraillette, sauta sur le container et courut par-dessus en ligne droite.


'--?!'


Il entendait les pas se dirigeant vers lui en diagonale. Ils s'approchaient bien plus vite que ce qu'il avait imaginé. On aurait dit que quelqu'un s'entraînait au saut de haies sur le sommet du container, en fonçant à une vitesse olympique vers la ligne d'arrivée située juste au-dessus de la tête du Rookie.


La surprise lui fit perdre deux précieuses secondes, l'empêchant de réagir à temps. L'homme ne prit même pas la peine de s'arrêter. Il sauta par dessus le Rookie, l'air paisible, et visa avec sa mitraillette.


'Je vais mourir.'


Le Rookie se figea sous le choc. Il avait l'impression d'assister à la situation au ralenti. La silhouette de l'homme en plein saut bloquait la lumière au plafond, et il pointait son arme vers le Rookie--


Quand quelque chose d'encore plus inattendu se produisit.




"Haaaah !"


Un étrange cri de bataille retentit. Une voix féminine qui lui était familière résonna par dessus sa tête, évoquant celle d'un super-héros de film. La silhouette d'Aging apparut, bien plus haut que celle de l'homme en train de l'attaquer. Ses chevilles frappèrent de plein fouet le cou de l'homme dans un craquement violent. Perdant conscience instantanément, l'homme en rouge et noir s'effondra au sol en lâchant sa mitraillette, juste devant le Rookie.


Aging retomba ensuite au sol dans un atterrissage gracieux, se donnant légèrement en spectacle.


"Ah... Il faut vraiment que je me trouve une remarque bien envoyée à balancer dans des moments pareils."


"Aging !"


Le garçon était sincèrement ravi de voir la géante à l'air moqueur ; et grâce à sa présence et son appui, il parvint à retrouver un peu d'aplomb.


"Tu m'as vraiment sorti d'un mauvais pas, Aging. J'aimerais prendre le temps de te remercier comme il se doit, mais... la mission d'abord. Qu'est-ce qui se passe, au juste ?" demanda le garçon, retrouvant la dignité naturelle du président des Mask Makers.

Mais--


"Hah. Les choses deviennent intéressantes, mais pas tellement pour toi..."


L'instant d'après, son calme et sa dignité à peine retrouvés volèrent de nouveau en éclats.


"Je suis quasiment sûre que tous les autres ont été massacrés."


"...Quoi ?"


Le Rookie se mit à cligner des yeux, incapable de comprendre le sens de ses paroles. Aging se mit à rire avec amertume, tourna la tête vers le côté, et pointa du doigt la mitraillette équipée d'un silencieux, reposant à côté de l'homme saisi de spasmes, au cou tordu dans un angle repoussant.


"Regarde ça. Tu vois le flingue ? C'est un de ceux que tu as ordonné qu'on ramène à bord pour la mission. Les seules armes qui nous restent sont ma lame et mon minigun dans ma cabine !"


Aging rit profondément en révélant ces faits terribles d'un ton léger.


"Gahaha ! Franchement, qu'est-ce qu'on peut y faire ? Voilà ce qui arrive quand on sous-estime ce vaste monde. Je me disais que c'était bizarre qu'on n'ait aucun justicier masqué à bord, et maintenant le bateau est envahi de zombies ! C'est pour ce genre de boulots cinglés que je bosse toujours dans cette branche !"


Cependant, le président - au visage blanc comme un linge, comme si son âme venait de lui être arrachée - s'effondra dans les bras d'Aging.


"...C'est pas... possible... dites-moi que je rêve..."


"Bah, t'en fais pas ! On peut remonter les Mask Makers à nous deux, s'il le faut ! ...Oups ! Quel manque de professionnalisme ! J'avais complètement oublié les autres à bord de l'Entrance ! Gahahaha ! Illness va vouloir m'arracher la tête la prochaine fois qu'on se verra."


Aging, qui tenait le garçon contre son ventre, le rassurait gentiment dans l'embrasse réconfortante de son bras droit. Ses yeux scintillaient d'excitation tandis qu'elle faisait craquer les articulations de sa main gauche.


"Enfin, en tout cas..."


Les yeux d'Aging ressemblaient à ceux d'une bête sauvage. Elle se mit à se pourlécher les lèvres, comme un chien face à un festin magnifique.


"Les choses deviennent vraiment intéressantes."



<==>



Trente minutes plus tôt.




"Alors... Nous avons encore une journée avant la 'Rencontre' ? Du coup, je suppose que ça fait seulement une heure de différence, à peu près, entre les deux navires."


Un masque blanc sans expression, tout droit sorti d'un carnaval italien.

Et l'homme qui portait ce masque parlait tout en agitant énergiquement une arme à feu. Le capitaine de l'Exit fixait l'homme masqué d'un regard de profond mépris.


"Bon sang... vous avez intérêt à ne pas toucher à nos passagers."


"Ne vous en faites pas ! Tant que vous ne jouez pas aux petits malins, nous allons finir cette mission tranquillement, quitter le navire à mi-chemin et vous souhaiter un bon voyage. Les passagers ne remarquent rien, et tout le monde passe de super vacances... voilà le plan. Combien de fois faut-il vous le répéter, hein ?!"


Les Mask Makers avaient pris le contrôle de la passerelle, tout comme leurs camarades sur l'Entrance. Aging étant incapable de se faufiler dans les conduits de ventilation comme Life, ils n'avaient installé qu'un nombre limité de dispositifs à gaz empoisonné ; sur ce navire, ils n'étaient guère plus qu'un coup de bluff. Cependant, les Mask Makers avaient compensé ce désavantage en allouant deux fois plus de membres à ce côté de l'opération que sur l'Entrance.


Ça faisait bien cinq heures que le navire était sous leur contrôle, mais les Mask Makers n'étaient pas encore passés à la partie suivante de leur opération.


"C'est ce qu'on appelle le 'timing', vous voyez ? Alors patientez calmement en attendant que l'autre bateau arrive aussi. Nous ne comptons pas couler le navire en fonçant dans un pétrolier comme dans ce film."


Ces gens semblaient être tout aussi fanas de films que les autres sur l'Entrance. Les hommes masqués se mirent tous à rire en l'entendant.

Ils ne se comportaient pas avec la discipline de soldats entraînés. Mais ça ne faisait que renforcer les inquiétudes dans le cœur du capitaine. L'attitude relaxée de ce groupe de bandits les rendait encore plus susceptibles de tuer sur un coup de tête, et cette sensation d'incertitude se répandit parmi tous les otages.


Les Mask Makers ne ressemblaient pas à des criminels minutieux prenant soin de viser uniquement leur cible ; on aurait plutôt dit qu'ils n'auraient aucun remords à tirer gratuitement dans la foule si l'envie leur prenait, et le capitaine avait du mal à croire à leurs histoires.

Les preneurs d'otages s'étaient assurés qu'ils continuent à contacter régulièrement la terre ferme, mais ils s'étaient bien renseignés auparavant.


"Juste comme ça, vous n'avez pas intérêt à tenter de leur envoyer un SOS déguisé."


Ils s'étaient même débrouillés pour neutraliser leur plan de secours en cas de détournement. Voilà pourquoi le capitaine n'avait d'autre choix que d'obéir aux ordres de ces bandits.




Soudain, l'un des otages menottés se releva sans prévenir.


"Hé, qui t'a autorisé à te lever ?"


"Ri-Richel !"


Le capitaine observait le comportement inattendu de son second avec les yeux écarquillés. Cet homme, qui était resté silencieux durant les cinq heures qu'avaient duré la prise d'otages, venait de se relever et de se mettre à marcher. C'était tellement soudain et inconsidéré que même les Mask Makers furent pris de surprise pendant quelques secondes. L'un d'eux pointa en hâte son arme vers lui.


"Hé, par terre, fils de pute !"


"Désolé, mais il est l'heure de mon rapport."


"Quoi ?!"


Le second du navire souriait tranquillement. Les autres commencèrent à se demander si la peur lui avait fait perdre les pédales. Mais juste avant que les Mask Makers ne se mettent à le frapper pour lui faire entendre raison--

Le second dit quelque chose d'étrange.


"Vous voyez, je dois envoyer des rapports réguliers à notre Maître. Sinon, quelqu'un va venir voir ce qui se passe ici. Ah. Mais vous avez aussi pris contrôle du bureau des communications, ils doivent déjà avoir remarqué... J'imagine qu'il est trop tard. Oui, c'est trop tard."


"...Qu'est-ce qu'il raconte ?!"


"Ah, on va bientôt recevoir l'ordre d'accélérer le navire. Alors je dois commencer à me préparer... ah, oui. Ma tenue. Regardez l'heure, il est plus que temps que je me change..."


Tandis que le second continuait à déblatérer des paroles sans queue ni tête, les Mask Makers se regardaient l'un l'autre, l'air incertain. Soudain, la porte de la passerelle s'ouvrit et l'un des Mask Makers qui montaient la garde dans le couloir entra en amenant avec lui une petite fille.


"Hé... Cette gamine bizarre se promenait dehors..."


"...Quoi ?"


Les Mask Makers et les otages se regardèrent tous, perturbés par cette apparition étrange.


La fille, qui ne devait pas avoir tout à fait dix ans, portait une espèce de tenue blanche, un peu comme une robe. Son visage était dépourvu d'expression. Ses yeux étaient recouverts d'un bandeau noir, et elle portait un casque audio sur les oreilles. Le fil du casque disparaissait dans une pochette attachée à sa taille, et pour une raison inconnue, elle gardait les mains derrière le dos.


"Qui c'est celle là...?"


"Ah, euh... regarde derrière."


L'homme qui montait la garde retourna la fille pour montrer ses mains, qui étaient attachées par des menottes complètement différentes de celles que les Mask Makers avaient préparées.


"...C'est vous qui avez fait ça ?"


"Pas du tout ! Cette fille a juste... elle s'est approchée de nous comme ça, pieds nus. Je lui ai fait signe de dégager, mais ses yeux et ses oreilles sont recouverts... Elle n'a même pas réagi quand j'ai enlevé son casque. Franchement, elle me fout la trouille..."


"Sérieusement..."


Alors que l'homme essayait de se justifier, la fille sembla avoir remarqué quelque chose. Elle se retourna et parla à voix haute.


[Frère Richel, Frère Richel. Les rapports périodiques. Ne sont plus. Nécessaires.]


"Ça fait une ou deux fois qu'elle répète ça."


Après que la fille ait fini de parler, en tremblant sous l'effort, elle referma la bouche et fixa le sol.


"Richel, c'est bien le second, non ? Ça devient inquiétant."


L'un des Mask Makers semblait avoir été particulièrement perturbé par cette fille étrange. Il pointa son pistolet sur la tempe du second.


"Hé. Qui est cette fille ?"


"C'est une prêtresse qui remplit sa fonction de haut-parleur," dit-il en riant, avant de s'agenouiller devant la fille. Et il s'inclina devant elle, comme s'il attendait quelque chose.


"..."


L'angoisse diffuse dans la pièce commençait à se transformer en effroi.

Les Mask Makers se demandaient s'ils devaient ligoter la fille aussi, ou essayer de frapper le second jusqu'à ce qu'il leur explique de quoi il retournait ; mais soudain l'expression de la fille aux yeux bandés changea.


Même s'il y avait eu un changement, son visage n'affichait toujours aucune expression. Mais la nature de son impassibilité avait changée. Son stoïcisme calme et froid se durcit soudain comme si elle était en proie à une intense souffrance--

Et un chant dépourvu de mélodie se mit à résonner dans la passerelle.




        [Que la réponse dans nos coeurs


      redoute la mort


    Que la chair dans leur corps


  redoute la vie


            Craignez la mort


          Craignez la mort


        Craignez la vie   Craignez la vie


      La chair doit accueillir la mort le coeur doit désirer la mort


    Mais la vie persister dans Son âme exaltée


        Que l'âme à dévorer soit apaisée


          Que la souffrance soit vénérée


            Notre Dieu n'existe pas


          Mais nous nous devons de Le célébrer]




Elle chantait d'une voix claire, belle mais fragile. D'un ton si pur et cristallin que le souffle d'une simple brise aurait suffi à l'éteindre. Et pourtant, la voix de la jeune fille était d'une présence étouffante.


"H-hé, qu'est-ce qui lui prend à cette folle ? Arrête ça ! Arrête de chanter !"


L'un des hommes, ne pouvant plus supporter les cris de la jeune fille, lui ôta son casque.


"Qu'est-ce que c'est que ce truc, d'ailleurs--"


Quand il le mit sur ses oreilles, il entendit un son indistinct. Il écouta un moment, avant de pâlir soudainement et de jeter le casque à terre.


"P-putain ! Qu'est-ce que...?!"


"Hé ! Ça va pas ? Qu'est-ce que t'as ?!" lui demanda un autre Mask Maker. Le premier homme répondit--


"...ses hurlements."


"...Quoi ?"


"C'était dur à entendre, mais... c'était la voix de cette fille... ne me dites pas... est-ce qu'elle est constamment en train d'écouter ses propres hurlements à travers ce casque ?!"


"...Attends..."


C'était un concept inconcevable. L'homme aurait aimé croire qu'il se faisait des idées, mais la fille écoutait bel et bien ses propres cris. Celui qui l'avait amené sur la passerelle écarquilla les yeux avant de parler en criant.


"Hé, attends une minute ! J'ai essayé d'écouter juste avant, mais je n'ai rien--"



"C'est tout à fait naturel. La musique vient seulement de commencer."



"?!"


La voix venait de l'entrée de la passerelle. Avant que quiconque ait eu le temps de réagir, un homme venait d'entrer à l'intérieur, et observait la situation.


"Après tout, nous avons béni nos prêtresses afin qu'elles récitent ces prières au son de leurs propres cris."


L'homme faisait plus de deux mètres de haut. Il ne dépassait probablement pas Aging, mais il était bien plus grand que n'importe qui dans la pièce. Il avait l'apparence simiesque d'un gorille, mais sa voix était étonnement posée et intellectuelle.


"Pas un geste !"


Les Mask Makers se retournèrent tous d'un seul geste pour pointer leurs armes sur lui. Quand soudain--



Crack



Un son déplaisant retentit dans toute la salle.

Plusieurs personnes se retournèrent en direction de l'origine du son, sans pour autant perdre de vue le géant qui venait d'arriver. Et ils purent voir un cadavre tout juste décédé.


"...Hein ? Hein...?"


L'un des Mask Makers se mit à s'exclamer sans s'en rendre compte.

Le corps était celui du chef de ce navire, le capitaine.


"Qu-quoi... qui..."


La réponse s'imposait d'elle-même. Le coupable qui venait de rompre le cou du capitaine à 180 degrés se tenait encore juste derrière le corps.


"Je tiens à exprimer ma gratitude pour avoir permis à notre respecté capitaine d'être passé à trépas sans souffrir."


Le second murmurait, en s'agenouillant de nouveau aux pieds de la jeune fille. Elle avait cessé de chanter depuis qu'on lui avait retiré son casque, mais le second la traitait toujours comme un objet de vénération.


"Non... attendez... comment..."


Les Mask Makers, complètement perdus, venaient de réaliser que les mains du second n'étaient plus attachées. Comment avait-il enlevé ses menottes ?


La réponse était évidente pour tout le monde. La peau autour du poignet droit de l'homme était complètement sanglante là où la chair avait été arrachée. Plusieurs de ses doigts semblaient avoir été disloqués. Il avait dégagé sa main par la force. Aussi simple que ça.


Bien sûr, c'était loin d'être évident en pratique. Certains magiciens pouvaient se disloquer une articulation pour se libérer de leurs liens durant un numéro d'évasion, mais le second s'était contenté d'extirper sa main par force brute.


Mais là n'était pas le problème. Pourquoi le second avait-il tué son capitaine ? S'il avait eu le temps de briser le cou du capitaine, il aurait aussi bien pu s'attaquer aux Mask Makers. Les choses n'auraient pas été aussi simples étant donné le gaz empoisonné qu'ils avaient installé ; mais cela n'expliquait pas pourquoi il avait tué le capitaine. Même les autres membres d'équipage pris en otages avaient du mal à y croire.


"Toi... pourquoi tu..."


"Parce que nous comptions nous occuper d'eux depuis le début."


La réponse calme et assurée provenait, non pas du second, mais de l'homme à l'apparence de gorille s'appuyant contre le mur près de la porte.


"...Quoi ?"


"Excellent. Nous nous disions justement qu'il était temps de se débarrasser des gêneurs."


"Qu'est-ce que... Qui êtes-vous ? Pourquoi avez-vous tué le capitaine ?"


Tandis que le Mask Maker exigeait des réponses de la part du second et du gorille, pointant successivement son arme sur l'un et l'autre, le gorille secoua négativement la tête avant de lui répondre.


"C'est vous qui l'avez tué."


"...Quoi ?"


"Quand à pourquoi vous avez fait ça, je demanderai à l'un de vous plus tard."


Le géant continua à parler calmement, malgré les multiples armes pointées dans sa direction.


"C'est vous qui avez tué le capitaine."


"...?"


"Et c'est vous qui allez tuer tous ceux qui vont mourir sur ce navire. Voilà ce qu'il en sera."


"Qu'est-ce que vous racontez, bon dieu...? Que... hé, mais que..."


A ce moment, les Mask Makers remarquèrent ce qu'il se passait sur la passerelle.

Les membres d'équipage avaient été attachés avec les mains menottées dans leur dos. Mais plusieurs d'entre eux se tortillaient comme des vers et se relevèrent les mains libres. Leurs poignets étaient tous couverts de sang, comme celui du second. D'autres membres d'équipage se relevèrent encore.


Au total, en comptant le second, il devait y avoir une douzaine de membres d'équipages libérés de leurs liens. Le reste de l'équipage les fixait avec des yeux remplis de terreur.

Les Mask Makers se regroupèrent, resserrant leur prise sur leurs armes. Mais le gorille se mit à rire en les regardant.


"En d'autres termes, si nous voulons rejeter le blâme sur vous--"


Il fit une pause, et poursuivit avec un rictus cruel.


"Alors il vaut mieux ne pas laisser de témoins."


"--! Sale fils de--!"



[Autant que possible, essayez d'éviter toute effusion de sang qui ne soit absolument nécessaire.]



C'état ce que le président leur avait ordonné, mais la situation était bien trop urgente pour se préoccuper de telles consignes. Ce n'était pas parce que le gorille venait de les provoquer.


'Ce type est dangereux.'


Leurs années d'expérience en tant que Mask Makers faisaient retentir la sonnette d'alarme dans leur tête.


'Ces gens sont dangereux.'


Et juste au moment où ils commençaient à viser les membres d'équipage qui s'étaient relevés avec leurs armes--


On aurait dit que le gorille venait de faire quelque chose. Alors qu'ils s'apprêtaient à presser la détente, des hurlements se mirent à s'échapper directement de la pochette que portait la jeune fille.


[AAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHH! GAAAHHHH

UUUUUUUUUUUGGGGGGGHHH! KYAAAAAAAAAAA! AAAAAAAHHHHH!]


C'était une série de cris à vous glacer les sangs.

Les cris résonnaient dans toute la passerelle, sans que quiconque puisse imaginer ce qu'on avait infligé à la jeune fille pour qu'elle hurle d'une telle façon.



"LA MORT EST NOTRE COMPAGNE REDOUTÉE AAAAAAHHHHHH HAAHAAAAAAAAAAAA ! LA VIE UNE SI TERRIFIANTE ENNEMIE UUUUUUUUUUGH AAAAAAAHHHHH ! GAAAAAAHHHHHHH ! NOTRE DIEU AAAAAAAAAHHHHHHHHH NÉ DE NOS PRIÈRES GUUUUUUUUUHHHHHH HAAAAAAAAAH AAAAAAHHHH ! S'EN RETOURNE AU NÉANT AAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH L'ANGOISSE ÉPOUSE LA LUMIÈRE AAAAHHHHHHHHHHHHH AAAAAAAAAHHHHHHHHHHHH !"



Les cris enregistrés de la fille se mélangeaient avec ses cris actuels. Ce n'étaient que de simple sons, mais le chœur formé par la fille et son lecteur audio chantant simultanément suffit à plonger la passerelle dans une atmosphère rouge de sang et noire d'horreur.


Et comme pour s'accorder à l'ambiance, les Mask Makers pressèrent simultanément la détente de leurs mitraillettes.



im13




<==>



Le crépitement des mitraillettes munies de silencieux fut étouffé par les murs et les vitres épaisses de la passerelle. Il s'évanouit dans l'air, presque inaudible.


Cependant, quelques personnes semblaient avoir remarqué au même moment qu'il se passait quelque chose d'étrange.



<==>



L'une des ces personnes était la femme colossale, la camarade de ces Mask Makers en difficulté.



"Hm ?"


Aging était en plein milieu d'un massage au salon de beauté quand elle perçut le faible écho de coups de feu dans l'atmosphère.


"Hé, poupée. Désolé du dérangement, mais on dirait que j'ai quelques affaires pressantes à régler. On peut finir ça vite fait ?"


"Bien sûr."


L'esthéticienne était une professionnelle. Elle termina de masser les muscles hautement inhabituels d'Aging plus vite que prévu.


"...Pas possible."


Aging commença à se rhabiller en hâte, se préparant au pire.

Elle sourit, se disant que c'était le destin qui avait dû s'arranger pour qu'elle rencontre l'une de leurs cibles, la femme aux cheveux argentés, justement au salon de beauté.


"Non, ils n'ouvriraient pas le feu aussi facilement. C'est peut-être mon imagination, mais..."


Aging quitta le salon de beauté, simultanément en proie à l'inquiétude et à l'excitation. Mais la situation à bord du navire excédait de loin l'idée qu'elle se faisait du pire.



Même si, bien sûr, ça ne ferait que renforcer son ardeur belliqueuse.



<==>



Dans une cabine de seconde classe.




Alors que le bain de sang commençait sur la passerelle--


Elmer et les autres se détendaient dans leur cabine comme s'ils vivaient dans un monde à part.

Denkuro était entièrement absorbé par le visionnage de Yojimbo d'Akira Kurosawa, qui s'était avéré être dans la liste des DVDs disponibles. Elmer jouait sur une console portative, avec une paire d'écouteurs. Nile se tenait sur le balcon, observant la mer. Sylvie, elle, avait quitté la pièce il y a à peu près une heure, en disant "Je vais aller voir ce salon de beauté. Apparemment, il fait partie d'une chaîne très connue en Europe."


Ça faisait bien cinquante heures qu'ils avaient embarqué. Il n'y avait toujours eu aucun signe d'Huey Laforet.




"Hm... Je l'affirme. Je meurs d'ennui."


"Peut-être pourriez-vous partager le spectacle d'un film avec celui-ci, Maître Nile. Celui-ci pense bien que ce film saurait vous divertir."


"Je l'affirme. Je ne comprends pas la langue japonaise, mais tu préfères sans nul doute le regarder dans ta langue natale. Ne te dérange pas inutilement pour moi : je le regarderai plus tard."


"Votre prévenance est sans égale, Maître Nile. Celui-ci se sent presque honteux de partager de telles pensées, mais vous devez vous sentir particulièrement las."


"Je l'affirme. A quoi bon le dire si tu es déjà au courant ? Étant donné que nous sommes sur un navire, je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à l'Advenna Avis. Impossible de me détendre."


Le fait qu'il ne se passe rien semblait rendre Nile extrêmement agité et nerveux. Il jetait de temps à autres un coup d'œil à Elmer.


"Elmer. Que comptes-tu faire si Huey ne se montre pas ?"


Elmer ôta l'un de ses écouteurs pour entendre ce que Nile lui disait, sans pour autant détourner les yeux de l'écran.


"Hm... Ç'aurait été sympa de dépenser un peu plus pour pouvoir emmener Phil avec nous."


Phil était le nom de plusieurs filles qu'ils avaient ramenés d'un village en Europe l'année dernière. Ces enfants étaient le produit d'un résultat secondaire obtenu lors de recherches sur l'Élixir d'Immortalité : une conscience unique qui occupait simultanément plusieurs corps. Après un certain incident, Phil et un autre ami avaient quitté leur village pour découvrir le vaste monde s'étendant hors de leur forêt, accompagnés par Elmer et les autres.


L'un des réceptacles de Phil vivait désormais avec Sylvie, mais il ne l'avait pas emmenée en voyage avec eux. Ils ne souhaitaient pas la mêler à cette affaire, surtout s'il s'agissait d'un piège d'Huey. En plus, Huey n'avait pas envoyé de billet pour elle. Sylvie l'avait laissée au Japon sous la garde d'une personne de confiance.




Mais au final, rien ne s'était passé.


Ils se tenaient sur leurs gardes depuis le départ de la croisière, s'attendant à quelque chose, mais d'ici le second jour, l'inquiétude de Nile s'était changée en impatience : il attendait que quelque chose, n'importe quoi, se produise.


"...Sois maudit, Huey. Je te le ferai payer si tu me fais attendre pour rien."


"Nan, vu comment il est, je pense qu'il a peut-être gagné ces billets par hasard et qu'il a juste décidé de nous les offrir."


"Je l'affirme. Il ne se donnerait pas cette peine--attends. Il est possible qu'il ait agi ainsi."


"Huey est beaucoup plus timide qu'il n'en a l'air. Il dit que l'humanité lui sert de cobaye pour ses expériences, mais il a du mal à accepter les compliments."


Elmer rit, se rappelant son meilleur ami, et retourna à son jeu.


"...Quelle absurdité, traiter l'homme le plus malfaisant de l'Advenna Avis de personne modeste."


"Malfaisant, hein ? Je ne peux pas le nier, et Huey ne s'en cache pas non plus, d'ailleurs. Mais je ne pense pas qu'il soit le plus malfaisant parmi nous."


"Je l'affirme. Szilard était le plus vil déchet que la terre ait jamais porté, aussi me semble-t-il approprié de considérer Huey comme l'homme le plus malfaisant."


"Non, ce que je veux dire, c'est... Vous savez, quand on parle de 'malfaisant', eh ben, il y a Fermet."


Nile parut surpris d'entendre ce nom mentionné de façon inattendue. Denkuro oublia le film un instant pour prêter silencieusement attention à la conversation.


"Je le demande. Que veux-tu dire ? Tu prétends que cet homme timide mais honnête était malfaisant ?"


"...Je vois. Tu n'avais rien remarqué, Nile ? Et toi, Denkuro ?"


Bien qu'il se trouve soudainement pris à partie, Denkuro répondit comme s'il s'attendait à être interrogé.


"...Celui-ci en avait bien une idée, oui."


"Attendez. Qu'est-ce que vous racontez ?"


"Non... Ne nous attardons pas sur ce sujet, Maître Nile. Laissons les morts reposer en paix."


"Je l'affirme. Vous deux--vous m'intriguez... Mais je suppose que nous ne devrions pas insulter plus avant quelqu'un qui a déjà été dévoré..."


Malgré l'air réprobateur de Nile, Elmer continua la conversation en souriant.


"En parlant de Fermet, vous pensez que Czes va bien ?"


"Cela fait à peine deux mois qu'il est reparti. Il est fort probable qu'il se porte bien, avec sa famille à New York."


Elmer sourit en entendant sa réponse.


"Maintenant que j'y pense, on n'a pas parlé à Czes ni à Maiza de cette croisière, hein ? Hé ! On devrait passer les voir, leur faire une petite surprise !"


"Je l'affirme. Aurais-tu oublié Phil, qui est toujours au Japon ? Sylvie n'appréciera guère que nous prolongions ce voyage plus que nécessaire."


"Nan, on n'a qu'à inviter Phil aussi. Je suis sûr que Czes a envie de la revoir, d'ailleurs. Vous savez, il n'a pas beaucoup de chance avec les filles. Moi je dis qu'on devrait lui donner un coup de main !"


"Je l'ordonne. Mêle-toi de ce qui te regarde, Elmer," commenta Nile, l'air farouche. Il mit fin à la conversation en se retournant vers la mer.


"Hm...?"


Il perçut un son indistinct, porté par le vent. Une personne qui n'aurait pas été habituée à ce genre de sons n'y aurait jamais prêté attention - et n'aurait même pas réussi à le remarquer, sans une ouïe particulièrement développée. Ce bruit ininterrompu - le son de mitraillettes équipées de silencieux en tir automatique - l'inquiétait et il se leva pour sortir de la cabine, avec la clé de la porte autour du cou.


"Hé ? Où tu vas ?"


"Je ne peux qu'espérer qu'il s'agit de mon imagination, mais je viens d'entendre quelque chose de préoccupant."


"?"


Ses mots 'Je ne peux qu'espérer qu'il s'agit de mon imagination' n'étaient pas tout à fait sincères.


'J'espère vraiment que je ne me fais pas des idées ou qu'il ne s'agit pas d'un simple feu d'artifice--'


Après avoir quitté la cabine, Nile se mit à marcher lentement dans le couloir.


'J'espère qu'il va enfin se passer quelque chose de divertissant.'


Se rendant compte du tour que prenait ses pensées, Nile leva sa main pour toucher son masque.


"...Ah," murmura-t-il, disciplinant ses instincts belliqueux.

Après avoir parcouru les champs de bataille, Nile était devenu insensible à la mort de son prochain. Réalisant qu'il s'excitait à l'idée d'une éventuelle bataille, Nile se sentit plein de dégoût envers lui-même.


'Un immortel qui se réjouit à l'idée de combattre ; est-ce que je désire activement causer un massacre unilatéral ? Quelle honte, et dire que je me permets de traiter Huey de malfaisant--'


Nile serra anxieusement les dents derrière son masque, mais continua d'avancer. Il arpentait silencieusement les couloirs à la recherche de son champ de bataille, incapable de renier totalement ses instincts guerriers.



<==>



Dans une certaine suite.




"...On dirait que ça a commencé."


Bride secoua la tête en écoutant les détonations et les cris qui s'échappaient de la radio. Pour une raison inconnue, il marmonnait d'un air exalté, croisant les doigts en clocher.


Sa chambre était suffisamment grande pour accueillir une petite troupe. Derrière lui se tenait, non pas ses secrétaires habituelles, mais un groupe d'enfants vêtus de blanc et attachés. Ils étaient les 'prêtresses' qui avaient été amenés à bord par leur propres parents, sous prétexte de vacances en famille. Les enfants silencieux se contentaient de rester en rang dans la pièce, comme s'ils étaient dépourvus de volonté.


Silis était toujours allongée sur le lit. Impossible de dire si elle était éveillée. Une seule chose différait chez elle aujourd'hui ; elle portait une toge blanche, au motif rouge et noir : celle que Bride lui avait montrée, lors de la scène à l'église.


"De toute façon, je suppose qu'il est trop tard pour faire machine arrière. On a dépassé le point de non-retour. Pas vrai ? Ah, que faire ? Mon Dieu, dire que nous sommes tombés sur des bandits qui détournaient le navire à un moment pareil. Pourquoi le destin doit-il se montrer si cruel ? Oh, je te demande de bien vouloir m'accorder du courage. Chère souffrance, je te demande de m'apporter ta bénédiction."


Alors que le jeune homme récitait cette étrange prière, il pressa lentement l'interrupteur dans sa main. Et aussitôt, les casques recouvrant les oreilles des enfants se mirent à émettre leurs propres cris enregistrés. Les enfants commencèrent instinctivement leur chœur.



[Que la réponse dans nos coeurs redoute la mort]



Un air sans mélodie. Mais ça suffisait.



[Que la chair dans leur corps redoute la vie]



Peu importe l'endroit : qu'ils se trouvent dans le lieu de culte d'une autre religion, en extérieur, ou même dans un grand magasin, la simple présence de ces voix suffisait à transformer l'endroit en un lieu de vénération pour Bride et SAMPLE.



[Craignez la mort craignez la mort craignez la vie craignez la vie]



"Je remercie notre souffrance de sa grâce. Je sens le courage couler dans mes veines."


L'homme sourit en écoutant les cris des enfants, et saisit quelque chose à l'intérieur de la mallette qui était posée sur la table.


Dans un compartiment caché se trouvaient plusieurs seringues et aiguilles. Il y en avait à peu près vingt en tout, en comptant celles qui étaient déjà remplies d'un certain liquide. Même s'ils se faisaient attraper par la sécurité, rien de tout ça n'était illégal tant qu'ils se débarrassaient des aiguilles. Après tout, le liquide que contenait les seringues était d'un usage parfaitement légal ; aucune loi ne pouvait les retenir.


Bride sortit deux seringues et en saisit une dans chaque main.


"Eh bien... ces preneurs d'otage ont été repérés avec certitude, au moins... à la passerelle... la salle de contrôle... et le bureau des communications..."


Au centre du chœur formé par les petits garçons et les petites filles, Bride avait l'air extatique.


"Que cette messe... commence."


Il planta d'un geste sûr les seringues de chaque côté de son cou.




[La chair doit accueillir la mort le coeur doit désirer la mort mais la vie persister dans Son âme exaltée.


Que l'âme à dévorer soit apaisée que la souffrance soit vénérée notre Dieu n'existe pas mais nous nous devons de Le célébrer la mort est notre compagne redoutée la vie une si terrifiante ennemie notre Dieu né de nos prières s'en retourne au néant l'angoisse épouse la lumière la honte se joint à l'obscurité je me tiens humblement devant l'Exalté et porte cette modeste herbe à mes lèvres craignez Dieu craignons Nous la pitié est le pardon qui nous est accordé...]


Les prières se répandirent à travers les cloisons, résonnant dans tout le navire. Lentement, mais sûrement. Cette prière malfaisante devint un poison virulent, s'infiltrant partout ; séduisant ses victimes sans faire de distinction.



<==>



Au même moment, au bureau des communications.




Les Mask Makers avaient pris le contrôle de la salle tout comme à la passerelle. Les cinq membres assignés à cette salle montaient la garde, luttant contre l'ennui--

Jusqu'à ce que l'un d'eux, qui était parti aux toilettes en prenant soin d'enlever son masque, se voit barrer la route par une femme.


C'était l'une des femmes qui accompagnaient Bride en temps normal, mais l'homme qui ignorait ce fait ne vit qu'une jeune femme portant une robe rouge et noire.


"...?"


"Bonjour."


L'homme se dit qu'elle devait être une passagère égarée, et s'adressa froidement à elle.


"Miss, il est interdit de passer au-delà--"


Il ne put finir sa phrase.

Cela parce que la jeune femme venait de lui percer la gorge avec sa main.


La femme portait des gants ressemblant à des gantelets métalliques, qui recouvraient ses mains de l'index jusqu'à l'annulaire. Ses ongles aiguisés, combinés à ses mouvements soudains, transformaient ces gants en armes redoutables.


Il y eut un gargouillement ignoble, et le sang se mit à jaillir de la blessure. La femme resta silencieuse, se laissant arroser par une douche de sang, qui ne jurait pas particulièrement sur sa robe rouge et noire.

Elle observa l'homme par terre, probablement mort instantanément, et le quitta sur cette dernière phrase : "Je vous souhaite une mort aussi indolore que possible."


Elle se dirigeait vers le bureau des communications. Et comme s'ils la suivaient, plusieurs hommes et femmes sortirent des sanitaires où le Mask Maker solitaire s'apprêtait à pénétrer un instant plus tôt. Ils étaient tous habillés en rouge et noir : on aurait presque dit des sorcières en chemin pour invoquer une quelconque créature innommable.



<==>



Au même moment, dans la salle de contrôle.




La salle de contrôle était située près de la proue du navire, à un niveau bien plus bas que la passerelle. Une dizaine de Mask Makers occupaient l'endroit, car c'était là que tous les systèmes du navire étaient contrôlés : de la ventilation à l'électricité en passant par les lignes de communication.


Quoi qu'il advienne, les passagers ne devaient pas réaliser ce qui se passait à bord. Comme la salle de contrôle devait continuer à effectuer ses tâches habituelles pendant le détournement, les Mask Makers en charge de la salle s'assuraient tout particulièrement que leurs otages aient pleinement conscience de ce qui risquait de leur arriver en cas de désobéissance.


Il y avait plusieurs chemins d'accès à la salle : les ascenseurs du navire, une longue volée d'escaliers, et une entrée depuis la zone de stockage au fond du vaisseau. Étant donné l'importance de cette salle, les portes étaient soigneusement renforcées. Mais les Mask Makers avaient brisé les serrures et gardaient la porte à tour de rôle.


Il y avait toujours deux d'entre eux en patrouille dans le dernier couloir qu'il fallait emprunter pour atteindre la salle de contrôle. Par précaution envers les passagers perdus, ils dissimulaient leurs masques et leurs armes.


"Bon sang. Quel clampin viendrait se perdre tout en bas jusqu'ici ?"


"Arrête de geindre. Ce bon vieux Death disait toujours, 'Une chance sur un million, ça fait quand même plus que zéro'."


En se mettant à aborder le sujet de leur 'arme' - Death - décédée il y a peu, les deux gardes semblèrent attristés.


"Ahh.. Il a vraiment fallu que cette chance sur un million se retourne contre lui, hein."


"Tu connais le Mariachi de Desperado ? Celui joué par Antonio Banderas ? J'ai entendu dire que le tireur qui a eu Death lui ressemblait un peu..."


"Sérieusement ? Pas possible... Un type aussi effrayant ne peut pas vraiment exister."


Ils continuaient leur bavardage d'un ton peiné, quand une femme arriva soudainement devant eux.


"...?!"


Elle était apparue sans un bruit. Les hommes s'entre-regardèrent, surpris.


Elle était vêtue d'une tenue féminine qui avait fait fureur au Japon il y a une dizaine d'années ; le genre de costume qui exposait les courbes de celle qui le portait. Sa jupe était fort courte, exhibant ses longues jambes à partir de la cuisse. Un détail étrange, cependant, était le motif rouge et noir troublant qui ornait sa tenue. Mais l'un des hommes se mit à parler instinctivement, sans prendre le temps de réaliser ce détail préoccupant.

Ses mots furent exactement les mêmes que ceux de l'homme qui avait été tué près des sanitaires, à côté du bureau des communications.


"Miss, il est interdit de passer au-delà--"


Et tout comme son camarade, il fut incapable de finir sa phrase.


"Guh...?"


Il avait vu la femme se retourner soudainement.

Mais il se retrouva paralysé l'instant d'après à cause du choc perçant reçu à l'estomac.

La jambe de cette femme lui avait littéralement transpercé l'estomac, avant de briser sa colonne vertébrale.


"..Ugh...ack...agh..."


Le Mask Maker crachait du sang en gémissant. On pouvait encore entendre sa voix, mais sa conscience s'était déjà éteinte. Le choc de sa colonne vertébrale brisée avait instantanément stoppé ses fonctions cardiaques et cérébrales.


La femme retira immédiatement sa jambe du cadavre et poursuivit son attaque, avant que son camarade puisse réagir.

Les Mask Makers n'étaient pas des novices en combat. Ayant vu le spectacle grotesque de la jambe de cette femme transperçant le dos de son collègue, il ne lui fallut que deux secondes pour réaliser la situation et saisir son arme. Mais la distinction entre un novice et un professionnel importait peu face aux mouvements inhumains de cette femme.

Elle avait déjà bondi en l'air et se jetait sur lui avec un coup de pied tournant. Le temps qu'il réalise que la pointe de ses talons hauts était couverte du sang de son camarade, il se fit transpercer à son tour. Ses dernières pensées furent--


'Merde. Impossible de faire quoi que ce soit sans Aging ou Death...'


Il détestait devoir l'admettre, mais telle était la dure réalité. L'homme avait instinctivement tenté d'éviter l'assaut, et avait déjà commencé à bouger. Mais cette femme l'avait surpassé purement grâce à sa force impressionnante et transforma aussitôt son corps en dépouille mortelle.


"Je vous souhaite une mort aussi indolore que possible," dit-elle, tout en ramassant leurs pistolets couverts de sang. Elle attendit quelques instants, et très vite un groupe de fidèles en rouge et noir débarquèrent du couloir, tout comme leurs comparses dans le couloir menant aux communications.


"Prenez ça."


La secrétaire sourit légèrement et tendit les armes à feu aux fidèles à la tête du groupe. Les fidèles souriaient également. C'était comme si les cadavres au sol n'existaient même pas.



<==>



A peine quelques minutes plus tard, les Mask Makers qui montaient la garde ça et là dans le navire reçurent un message désespéré.


[C'est Guelph. Nous avons un code F ! Je répète, un code F ! Putain !

Nous sommes attaqués ! Ces tarés attaquent tous nos points de contrôle ! Ce sont des gens habillés en rouge et noir ! Ils sont hostiles ! Je répète, les gens en rouge et noir sont extrêmement hostiles !]


Les membres en patrouille furent d'abord surpris, mais les mots "Code F" - qui signifiaient une attaque d'un troisième groupe - les mirent immédiatement en état d'alerte.


[Ne contactez surtout pas le patron ! S'ils découvrent qui est le patron, tout est foutu... Ugh... agh... Merde, ils sont là--]


Sa voix s'interrompit, bientôt remplacée par de la friture sur la ligne.




Et avec ce message en guise de signal de départ, le monde à bord de l'Exit se retrouva sens dessus-dessous.



<==>



Dans une certaine suite.




Silis, pas encore tout à fait elle-même, pouvait entendre les enfants hurler et chanter.


Le bruit lui remit en mémoire le bain de sang qui s'était produit à l'église où elle avait fait la connaissance de Bride. Les images lui étaient revenues en tête d'innombrables fois depuis le mois dernier, mais c'était la première fois depuis ce jour qu'elle entendait de vive voix la prière des enfants.


Ce qui expliquait peut-être pourquoi le 'souvenir' de la 'scène' était beaucoup plus clair, la secouant jusqu'au tréfonds de son âme.



<==>



A ce moment, quand les asiatiques avaient fait irruption dans l'église--


Les événements qui avaient eu lieu se résumaient très simplement en quelques mots.

Il y avait eu un affrontement. Tout simplement.

Les fidèles - femmes et enfants, jeunes et vieux, à mains nues--

Cette simple vision avait suffi à stupéfier Silis, mais la vraie folie ne faisait que commencer.


Évidemment, les intrus n'avaient guère apprécié que ces hordes de fidèles se jettent sur eux. Ils les attaquèrent un par un avec leurs armes, et plusieurs firent feu avec leurs pistolets.


Cependant, ils avaient beau agiter leurs lames, ils ne pouvaient pas les arrêter.

Ils pouvaient leur tirer dessus, mais ils ne pouvaient pas les abattre.

Les fidèles étaient visiblement mortellement blessés, mais ils ne reculaient pas.

Ils ignoraient leurs coupures et leurs blessures, et encerclaient les hommes comme des zombies tout droit sortis d'un film d'horreur.


Mais ce n'était pas ce que Silis trouvait de plus dingue dans cette scène.

Tous les fidèles participant à l'assaut -- souriaient. Elle n'avait pas remarqué quand est-ce qu'ils avaient commencé à sourire. Peut-être qu'ils souriaient depuis que les enfants avaient commencé leur chœur. Peut-être les enfants eux-même ricanaient-ils légèrement, derrière leur stoïcisme apparent. Mais les sourires qu'ils affichaient ne contenaient ni rage meurtrière ni nervosité ; simplement sérénité et paix intérieure.


"Qu'est-ce... que..."


Silis s'effondra à genoux et tenta de ramper vers le mur, pour s'éloigner du bain de sang. Et devant elle, à travers la confusion qui l'accablait, elle pouvait voir le Maître qui dirigeait ce groupe lever la tête et réciter d'un air paisible :


" La vie par-delà la mort !


La mort par-delà la vie !


Les deux faces opposées d'une même pièce !


Et qu'est-ce qui les rassemble ?


C'est la souffrance !


La souffrance apporte la mort aux vivants et pousse l'esprit à désirer la mort !


Notre rôle est donc clair--


Nous devons apporter la souffrance pour mettre fin à tout !"


Et sitôt ce bref discours - probablement énoncé à l'attention de Silis - terminé, le massacre se conclut également. Malgré leurs blessures, superficielles ou mortelles, tous les fidèles observaient l'autel avec un air de tranquillité ; alors que plus un seul des intrus ne respirait.


Tandis que les fidèles les retenaient, les deux secrétaires, le colosse et l'homme recouvert de bandages s'étaient occupés en un instant de la moitié des indésirables. L'autre moitié avait été massacrée par les fidèles eux-mêmes. Les fidèles supportaient leurs blessures comme s'ils ne ressentaient aucune douleur. Ils souriaient--


"Ils... Ah, je veux dire, nous ; ce n'est pas comme si nous ne ressentions pas cette souffrance. Après tout, la douleur est très utile pour nous avertir de maladies ou de blessures."


Bride s'était rapprochée de Silis sans qu'elle s'en rende compte, et lui sourit comme un saint bienveillant.


"Nous faisons juste en sorte de lui ôter son caractère douloureux."


Sur ces mots, il planta la seringue dans le cou de Silis.



<==>



"AAAAAAAAAAAGGGGGGHHHHHHHHH!"


Silis se releva d'un bond, l'impression d'avoir le cœur au bord des lèvres. Elle réalisa que c'était juste sa respiration précipitée qui la mettait dans cet état, et se força à cesser de paniquer. Le souvenir débordant de cette scène, provoqué par le chant des enfants, l'avait secouée de la tête aux pieds ; sa conscience presque entièrement embrumée semblait être revenue. Il lui fallut une vingtaine de secondes pour se remettre à respirer normalement, et cinq de plus pour se souvenir de sa situation actuelle.


Elle se souvint de la pièce où elle se trouvait, et regarda instinctivement autour d'elle. Mais son rêve semblait avoir duré plus longtemps qu'elle ne le pensait ; la pièce était déserte. Ni Bride ni les enfants n'étaient là. Bien qu'une part d'elle désirait plus que tout que tout ça n'ait été qu'un long cauchemar, qu'elle ne se trouve pas sur le navire mais dans un hôtel près de l'agence, les deux seringues vides sur la table la ramenèrent de force à la réalité.


Silis se força à ignorer la fatigue qui menaçait de la faire sombrer. Elle descendit du lit et fit un pas timide en avant. Elle sortit une robe rouge et noire des bagages que Bride lui avait préparée et se changea rapidement. Après avoir fini de s'habiller, elle s'approcha prudemment de la porte et regarda dans le couloir. Elle s'assura qu'il n'y avait personne aux alentours, prit une décision résolue et s'aventura dans le couloir, dans l'antre maléfique qu'était devenu l'Exit.


'Je dois la prévenir...'


Ses souvenirs de ses jours brumeux étaient toujours présents. Elle se rappelait le final du spectacle du jeune magicien. Elle se rappelait les beaux cheveux argentés de la femme que Bride avait nommée 'Sylvie' ; et Silis commença à courir dans le vaisseau gigantesque, pour elle et pour cette inconnue.


'Je dois tout lui dire... et lui demander son aide...



Il me faut de l'aide pour m'enfuir... ou pour m'occuper de lui, d'une façon ou d'une autre...'



<==>



De retour à la zone de stockage, là où le Rookie et Aging s'étaient retrouvés.




"Ça va mieux, patron ?"


"...Ouais. Je vais bien."


Le Rookie se tenait dans un coin de la cale, respirant profondément.

Aging vérifia qu'il n'était pas blessé, et rit de bon cœur en signe d'acquiescement.


"Mais je n'aurais jamais imaginé qu'ils arrivent à te reconnaître et à te poursuivre, patron. Ils ont peut-être torturé un des gars pour lui faire cracher que son patron était le magicien du dépliant. Ou alors, un bon vieux sérum de vérité."


C'était l'hypothèse la plus réaliste, mais ça voulait dire que l'ennemi avait cru sans sourciller une affirmation pareille : que le jeune magicien était vraiment le chef des Mask Makers. On aurait dit un mensonge maladroit, mais peut-être était-ce exactement pour ça qu'ils y avaient cru. Ou bien ils étaient sceptiques, mais le prenaient pour cible juste au cas où.


"Qui peuvent bien être... ces salopards ?"


"Qui sait ? Pas moi, en tout cas, mais... On dirait qu'ils ont suffisamment de monde à bord pour attaquer en masse. Et s'ils enlèvent leurs vêtements spéciaux, impossible de les repérer parmi les passagers ordinaires. Est-ce que je peux juste tous les buter ?"


"Pas question que-- Pourquoi perdre notre temps ainsi ? D'ailleurs, notre mission n'est pas de les massacrer."


Le garçon manqua se laisser emporter par ses émotions, mais il se rattrapa et enferma son aspect plus enfantin au creux de son cœur.


"Alors quoi ? Tu va t'enfuir la queue entre les jambes ? Cela dit, j'imagine que tu ne peux pas jeter à la mer la lignée ancestrale des Mask Makers aussi facilement. Vu la situation, tu peux probablement sauver les meubles et la réputation des Mask Makers si tu rembourses l'argent au client."


"...Je ne peux pas faire ça."


"Hmm ?"


"...Les Mask Makers ne m'ont pas laissé une organisation en héritage. C'est une 'volonté' et une 'détermination' que j'ai reçu. Et l'objectif ultime... ce sont ces immortels. Même si on annule la mission, je ne quitterai pas ce navire sans lui... Elmer C. Albatross."


Cependant, il avait perdu contact avec la plupart de ses subordonnés. Et s'il fallait en croire Aging qui disait que personne ne répondait, la situation était plus que désespérée. Le garçon serra les dents. Il refoula la vague d'émotions qui menaçait de le submerger, au fond de son cœur. Il choisit une résolution bien particulière et s'en servit comme d'un masque. Il inspira et fixa Aging droit dans les yeux.


"Je te demande ceci, pas en tant que patron, mais en tant que Luchino Campanella ; l'héritier du nom des Mask Makers."


"..."


Avec une expression sérieuse, le garçon se redressa et fixa le visage de la femme qui le dépassait de plusieurs têtes.


"Aide-moi... Je sais que c'est pratiquement impossible, mais nous allons capturer les immortels et quitter ce navire. Et nous allons aussi essayer de trouver les derniers survivants des Mask Makers. Quand à ces cinglés... Essayons de nous occuper d'eux, dans la mesure du possible."


"Tout un programme, pas vrai ? C'est bon, c'est bon, alors comme ça tu n'est pas le président en train de me donner des ordres mais juste un petit gamin, hein ?"


Aging observa attentivement le visage du garçon, avant d'éclater de rire, comme si sa décision était déjà prise depuis longtemps et lui répondit.


"Ça c'est un coup bas, patron--J'veux dire, Rookie."


"..."



"Tu dis ça parce que tu sais pertinemment que je ne manquerais jamais une occasion aussi insensée de m'éclater un peu, pas vrai ?"





--> Interlude

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