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2002 [B Side] - Blood Sabbath


Prologue 5 : Le Jeune Patron Aime Traiter ses Affaires Personnellement


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Laissez-moi vous raconter une vieille histoire. C'est l'histoire de 'nos' origines.




Il y a fort, fort longtemps, avant la seconde de ces terribles guerres--


Il y a fort, fort longtemps, avant même la première grande guerre--


Une centaine d'année avant que ce héros surnommé le Démon Corse - ou le cannibale, comme certains l'appelaient - soit couronné Empereur--


C'était un temps où l'Europe était prise dans la furie guerrière de la Guerre de Succession d'Espagne.


Tel est le décor de cette histoire.


Voulez-vous bien me prêter votre attention ?


Vous allez m'écouter, n'est-ce pas ?


Hé, vous m'écoutez ?


Vous m'écoutez, j'espère ?


Ah, merci mon dieu.


Je craignais que vous ne soyez déjà mort.


Vous souhaitez vivre, j'imagine ? Alors vous devez écouter.




On raconte que notre organisation a été créée dans les années 1700.


Elle est apparue dans un village rural en Italie. Bien que ce soit une ville de la campagne, c'était tout de même une ville portuaire assez avancée--


Je suis sûr que vous avez compris. C'est la ville où nous nous trouvons en cet instant.


Ah, mes excuses. J'oubliais que vous n'y voyez plus.


Quelle tragédie. J'aurais aimé pouvoir vous faire découvrir quelques paysages de cet endroit.


Si vous vous demandez pourquoi cette organisation a été créée, j'imagine que la réponse la plus exacte serait qu'elle a été créée par persuasion.


Initialement, le Mask Maker était un simple individu.


Quand une personne parvint à persuader un groupe d'enfants pitoyables, le Mask Maker devint un monstre. Et lorsqu'un garçon fou parvint à persuader la première personne, le Mask Maker se transforma en clown--et quand un second gamin entra dans la danse, le clown devint une organisation.


Je ne m'attends pas à ce que vous compreniez tout ce que je vous dis.


Et vous n'avez pas besoin de le comprendre. Après tout, ce n'est pas la partie importante.


Une fois l'organisation formée, les Mask Makers suintèrent lentement dans la société.


Oui. Ça peut vous sembler une façon étrange de le formuler, mais 'suinter' est le mot approprié. Comment vous dire...


Du poison.


Oui. Les Mask Makers étaient un poison mortel, d'un attrait irrésistible.


Et après avoir lentement suinté dans la ville, ils commencèrent à rassembler du pouvoir.


Il n'est plus possible aujourd'hui de savoir dans quel but ils avaient récolté tout ce pouvoir. Leurs rêves et espoirs se sont progressivement effacés, ne laissant que leur puissance être transmise au fil des ans.


Jusqu'à atteindre cette génération. La richesse, la force de frappe, l'influence... Nous avons accumulé toutes ces choses petit à petit, sans nous faire remarquer.


Notre organisation a évolué, et ses principes se sont lentement transformés--ne gardant que l'idéal du pouvoir comme but fédérateur. Et le résultat de ces siècles d'évolution... c'est nous. Ce groupe que vous avez remarqué et décidé de suivre--


Cette modeste entreprise, portant le nom de Mask Makers.


...Quand à moi ?


Ai-je vraiment besoin de me présenter ?


Je crois bien que vous devez déjà avoir une petite idée de mon identité. Mais je comprends. Si vous tenez à savoir si vos actions avaient le moindre sens--


Je vais vous dire ceci, en guise de cadeau d'adieu.


Vous voyez, j'ai omis un petit détail dans mon histoire. En fait, le Mask Maker a laissé derrière lui plus que du simple pouvoir.


Rappelez-vous, je vous ai dit que le Mask Maker était à l'origine un simple individu.


On raconte que le nom de cet individu était... Monica.


Monica Campanella.


De son vrai nom--Monica Boroñal.


Une femme. Elle n'avait pas plus de quinze ans quand elle devint le Mask Maker.


Bien qu'elle soit la fille de l'illustre clan des Boroñal, son nom lui avait été retiré en punition d'un meurtre qui avait dû être dissimulé au monde.


La jeune femme aimait un certain garçon, et l'identité du Mask Maker fut créée à cause de ce jeune homme. Et comme je vous l'ai déjà dit, le Mask Maker devint une organisation après qu'elle soit persuadée par la folie de deux garçons.


Et au final--


Elle fut assassinée par l'objet de son amour.


Assassinée.


N'est-ce pas absurde ?


Mon ancêtre n'était-elle pas terriblement naïve ?


Elle se fit manipuler par celui qu'elle aimait, et perdit la vie par sa main.


Et mon ancêtre n'était-il pas un horrible monstre ?


Il fit un enfant à celle qui l'aimait, se servit d'elle pour satisfaire ses propres intérêts, et se débarrassa d'elle sans aucune pitié.


...Oui, c'est cela. Juste avant sa mort, Monica Campanella laissa un héritier. Et cette lignée traversa les âges, sous la protection de la puissance des Mask Makers--


Et après toutes ces générations, la lignée finit éventuellement par aboutir à cette personne ; moi-même.


Luchino B. Campanella.


Voilà le résultat de toutes vos investigations sur ce modeste magicien ; vous avez finalement réussi à apprendre ma véritable identité.


Quel genre de personne suis-je ? Voilà une question fort simple.


Je suis simplement la personne qui s'apprête à vous faire taire à jamais.


...Je vous en prie, ne soyez pas si effrayé. Après tout, n'était-ce pas ce que vous vouliez savoir ?




Vous vouliez en savoir plus à mon sujet.


Oeil pour œil. Vous avez creusé avec acharnement jusqu'à découvrir la vérité, et maintenant nous allons nous occuper de vous. Voilà tout. C'est bien malheureux.


Je pensais pourtant vous avoir amplement prévenu. Vous ne m'intéressez pas le moins du monde.


Que vous soyez un reporter du coin, un membre d'une organisation concurrente, ou bien simplement lié à quelqu'un que nous aurions éliminé... Votre objectif, que ce soit la curiosité, les affaires, ou la vengeance, ne me concerne aucunement.


C'est une triste histoire, mais vous allez devoir mourir.




Je vous en prie, ne vous débattez pas trop. Vous n'en souffririez que plus si je ratais mon coup.


Bien sûr, je suppose que vous ne pouvez guère vous débattre étant donné l'état de vos membres et de votre colonne vertébrale, même si vous le souhaitiez.


Laissez-moi vous montrer un tour de magie.


J'ai ici un stylet.


Et je vais faire disparaître cette lame brillante et aiguisée en un instant.


Je suis sûr que vous pouvez deviner l'astuce sans problème.


C'est très simple.


Je vais la cacher en vous.


Comme ça.



<==>



Sur ces mots, il poignarda l'homme avec le stylet.


'Je l'ai tué.'


Le frottement de la lame émit un léger son en s'enfonçant dans la chair.


'Je l'ai tué.'


La lame transperça aisément la peau, traversant le cou de l'homme jusqu'à percer sa tête. Il perçut un son sourd tandis que quelque chose se brisait brusquement à l'intérieur.


'Je l'ai tué.'


La conscience de sa victime s'était éteinte avant même de pouvoir entendre ce son.


'Je l'ai tué.'


L'homme – encore suffisamment jeune pour être considéré comme un garçon – retira le stylet enfoncé sous le menton du cadavre, affirma sa prise, et se retourna avec un haussement d'épaules vers les hommes et femmes rassemblés dans la salle.


'Je l'ai tué.'


"Je tiens à ce que vous disposiez rapidement du corps."


'Je l'ai tué.'


Le garçon, à qui il manquait encore quelques années pour atteindre la vingtaine, observa froidement le corps et se retourna d'un air désintéressé.


'Je l'ai tué.'


Il se tenait dans une salle souterraine, privée des rayons du soleil. La lumière fluorescente se réfléchissait sur le plancher et les murs de béton, créant une atmosphère glaciale.


De multiples hommes se tenaient face au garçon nommé Luchino. Ils acquiescèrent et se regroupèrent autour du corps pour se mettre au travail, avec une efficacité dénotant une longue expérience.


Le garçon quitta silencieusement la salle sans assister au nettoyage.




Luchino B. Campanella.


Aussi connu comme le "Rookie".


Le porte-parole de l'organisation des Mask Makers, ainsi que son plus jeune et plus prometteur membre. En terme d'âge il avait à peu près le même qu'Illness, mais elle faisait partie de l'organisation depuis bien plus longtemps que lui.


Il était le patron de l'organisation, tout en étant un petit nouveau - un "Rookie". Plutôt que de se plaindre du surnom que ses employés lui avaient attribué, le garçon les laissait faire comme ils leur plaisaient.


En apparence, les Mask Makers étaient un groupe de mercenaires.


Cela dit, leur vrai visage n'était guère différent.


Pour préciser quelque peu, les Mask Makers n'exerçaient pas leur activité dans des champs de bataille ou des guerres civiles, mais dans des pays parfaitement pacifiques. Ils acceptaient des demandes d'assassinats venant d'endroits comme l'Angleterre ou le Japon.


En d'autres termes, ils étaient une bande de tueurs à gages organisés. Ils appuyaient les compétences individuelles de leurs membres avec le soutien financier du groupe, et se mêlaient de tous les conflits tant qu'ils étaient payés pour. Ils n'hésitaient pas à commettre toute sorte de crimes violents dans le cadre de leur travail.


Leurs clients allaient de civils à des groupes mafieux ou d'importantes sociétés, et l'anonymat était la règle absolue.


En réalité, ils n'avaient encore jamais accepté de travail sous leur couverture de mercenaires. Cela parce qu'ils n'avaient aucune expérience en tant que mercenaires - ou soldats.


Ils n'étaient pas une organisation de tueurs efficaces. Ils formaient une équipe spécialisée dans l'art de commettre des crimes, comme des bandits ou des mafieux--et à tout le moins, leur équipement était à la pointe de la technologie.


Des vagabonds qui iraient partout et feraient n'importe quoi pour atteindre leurs objectifs.


Jusqu'à il y a quelques dizaines d'années de ça, ils trempaient encore dans les faux bijoux et la fausse monnaie, mais la technique et les méthodes requises pour ce genre de business avaient été perdues. Il leur serait impossible de recommencer aujourd'hui.




Et le chef de cette organisation violente était ce garçon élégant aux cheveux blonds.


Sur son visage, on pouvait voir une expression impitoyable qui émanait une atmosphère positivement glaciale.


Comme à son habitude, il avait personnellement ôté la vie à l'un de leurs infortunés ennemis, laissant derrière lui un corps sanglant tout en conservant une expression impénétrable, pareille à un masque.


Comme à son habitude, il laissa ses subordonnés se charger du corps et du nettoyage.


'Je l'ai tué.'


Comme à son habitude, il quitta la salle--


'Je l'ai tué. Je l'ai tué.'


Comme à son habitude, il monta les escaliers--


'Je l'ai tué. Je l'ai tué. Je l'ai tué.'


Comme à son habitude, il pénétra dans les sanitaires du bâtiment-- 


'Je l'ai tué. Je l'ai tué.'


Comme à son habitude, il enclencha le verrou pour fermer la porte--


'Je l'ai tué.'


Et avec son expression froide et impassible--


Comme à son habitude, il se mit à vomir dans les toilettes. 




"Gah...!"


'Je l'ai tué.


Je l'ai tué.


Je l'ai tué.'


Alors qu'il régurgitait violemment les fluides digestifs qui lui remontaient la gorge, il sentit les larmes lui monter aux yeux ; un goût aigre déplaisant lui assaillit le palais.


'Je l'ai tué.


Je l'ai tué.


Je l'ai tué.'


Les accusations silencieuses continuaient à résonner dans sa tête. La voix sonnait encore et encore, telle une malédiction gravant le souvenir de son acte dans sa mémoire.


'Je l'ai tué.


Je l'ai tué.


Je l'ai tué.


Je. L'ai. Tué.'


Et chaque répétition de la voix lui faisait revivre cette sensation--ce sentiment aiguisé mais profondément révoltant qui l'avait pris aux tripes lorsqu'il avait senti sa main percer la gorge de cet homme.


Et ce n'était pas tout.


Les innombrables personnes qu'il avait déjà tué, juste comme il venait de le faire--


Leurs visages reprirent vie dans sa tête ; leurs voix accablèrent le garçon de reproches amers.


'Je les ai tués.


J'ai tuétuétuétuétuétuétué


Toi Toi

Toi C'était toi Toi Toi

C'était toi Toi Toi     Toi Toi

    Toi     Toi       C'était toi     Toi     C'était toi     Toi

Toi Toi       Toi     Toi


C'est toi qui nous a tués.'


"Guh... Ugh..."


On aurait dit que son intestin était pris de convulsions. Impossible de se retenir. Il se remit à vomir.


Encore et encore et encore. Après avoir régurgité à plusieurs reprises, une fois que son estomac ait été vidé de la moindre trace de fluide digestif, le garçon parvint finalement à reprendre sa respiration.


'Combien de fois ai-je vomi, encore ?'


Après avoir tiré la chasse et être sorti de la cabine de toilettes, il s'agrippa à l'évier et essaya de se souvenir.


'Huit--non, neuf fois.'


Les accusations dans son esprit avaient déjà disparu quand il parvint à s'en rappeler.


Reprenant un air impassible, il essuya ses yeux rougis avec son mouchoir.


Il resta penché au-dessus de l'évier durant plusieurs minutes. Après s'être assuré que ses yeux n'étaient plus injectés de sang, il sortit des sanitaires.




"Ha. Ça va mieux, Patron ?"


L'ombre s'appuyant contre le mur à l'extérieur lui adressa la parole.


"… Aging…"


Il se retourna lentement pour faire face à l'ombre.


La silhouette qu'il venait d'appeler Aging s'écarta du mur et marcha jusqu'au garçon.


Avec sa taille dépassant les deux mètres de hauteur, Aging surplombait largement Luchino. Aging semblait avoir plus ou moins la trentaine, et son apparence guerrière évoquait à la fois la jeunesse et l'expérience. Aging se mit à ricaner avant de parler à son patron.


"Le boulot est encore trop dur pour toi ? Hé, Illness aussi se sent malade après avoir tué des gens, tu sais."


"Je ne sais pas de quoi tu parles. Si tu n'as rien à faire, pourquoi tu ne rentres pas te reposer ? " lui répliqua Luchino – pas du ton d'un chef distribuant des ordres, mais d'une façon qui correspondait parfaitement à un garçon de son âge.


Aging se mit à s'esclaffer de rire – malgré ses manières de vieux briscard, la stature d'Aging irradiait carrément vigueur et jeunesse. Les bras qui dépassaient de ses manches de chemise égalaient presque la résistance de ceux d'un culturiste professionnel. Il n'était pas question de graisse – cela ressemblait plus à un tas de câbles métalliques regroupés sous une couche de peau.


Les jambes qui dépassaient du short d'Aging avaient l'air encore plus puissantes – elles évoquaient la carrure d'une statue grecque.


Son physique ressemblait au David de Michelangelo – avec 50 % plus de muscles – mais il y avait une différence cruciale qui séparait Aging de David.


Le logo sur le T-shirt recouvrant la poitrine d'Aging était déformé par deux étranges masses – de la chair souple et douce, contrairement à ses bras et à son estomac recouverts de muscles. Par ailleurs, il manquait également à Aging un élément notable de la partie inférieure de David.


La gigantesque beauté appelée Aging baissa son regard vers le garçon, qui lui arrivait tout juste à la poitrine, et laissa échapper un éclat de rire franc.


"Gahaha ! Ne sois pas timide ! Je ne te traite pas d'idiot ou quoi que ce soit. Certaines personnes doivent s'endurcir et surmonter leurs faiblesses, chacun porte sa croix ! Après tout, je ne dirais pas que c'est une bonne chose de s'habituer à tuer des gens. En fait, j'irais jusqu'à dire que c'est plutôt normal de trouver ça difficile pour un jeunot comme toi élevé dans un tel pays !"


Sa silhouette suffisait à donner l'impression qu'elle portait une espèce de combinaison robotique, mais Aging ne portait qu'une tenue légère. Bien qu'elle ne soit pas complètement recouverte de muscles, elle ressemblait à une poupée faite de câbles distordus.


Malgré son apparence et son visage imposants, Aging sourit et changea de sujet.


"Enfin, t'es vraiment sûr de vouloir venir à bord aussi, patron ? Mieux vaut ne pas agir avec imprudence, tu sais ?"


"Ne commence pas à me dire ce que je dois faire, Aging. Je dois mettre fin à cette histoire personnellement."


"J'applaudirais bien votre résolution, patron, mais si quelque chose devait vous arriver ?"


"Si je suis en danger, les Mask Makers sont finis, eux aussi." Le patron fixa son employée d'un regard courroucé. Aging se mit à rire.


"Voyons, est-ce qu'un patron devrait dire des choses pareilles ? De toute manière, je ne peux rien y faire ; je ne vais pas me mettre à contester les décisions respectées de notre chef ! " Elle rit avec enthousiasme avant de continuer, "sinon, qu'est-ce qu'on va faire pour ce type qui a buté Death ? Lui rendre la pareille ?"


"Si tu y tiens, fais-toi plaisir. Mais si tu veux utiliser le matériel de l'organisation, tu as intérêt à le payer de ta poche et à rédiger une demande officielle."


"Ce n'est pas comme si on avait le temps pour ce genre de requêtes personnelles, de toute façon. Je ne tiens pas à mourir, mais je suis tout de même préparée à encaisser la mort de mes camarades, même la mienne d'ailleurs."


"...Est-ce que tu te moques de moi ?"


Cette fois, le Rookie regarda Aging droit dans les yeux.


"Mais non, patron. Je ne dis pas qu'il ne faut jamais tenir compte de ses émotions. En fait, je pense que tu peux parfaitement traiter tes affaires personnellement, tant que ça n'interfère pas avec le boulot ! Tu vois bien que je profite de mon travail à 100% ! Ne me dis pas que tu penses que c'est dangereux de mélanger ses problèmes personnels avec le boulot ?"


"...Non." Le jeune président lui répondit, en détournant le regard, "Ce n'est pas ça. Malheureusement, je ne suis pas de ces gens qui pensent que l'argent peut tout acheter, y compris la vie et les sentiments d'autrui. Bien entendu, c'est un art en soi que d'être capable de déclarer ouvertement une chose pareille."


L'expression de Luchino se couvrit de nouveau d'un masque de cruauté. Elle n'avait plus rien à voir avec le visage du Rookie qui avait vomi dans les sanitaires.


"Le confort de vie, le soulagement d'être en sécurité... Toutes ces ressources qu'on ne peut pas se procurer avec de l'argent."


"Vraiment ?"


"Et je ferais n'importe quoi pour les obtenir."


Le garçon rit tranquillement, retrouvant l'expression distinguée du président des Mask Makers.


"Toute cette opération correspond parfaitement à mon objectif. Je suis comme ces employés qui achètent les produits de la boîte à prix réduit. ...Voilà pourquoi j'ai pioché dans mes fonds personnels pour requérir un petit bonus des Mask Makers lors de cette mission."


"Je suis surprise que tu puisses autant haïr quelqu'un sans l'avoir jamais rencontré."


"..."


"Notre mission, cette fois, c'est bien de 'Capturer les Immortels' ? Je pense que ça ne colle pas trop avec ce que vous souhaitez, patron."


Aging questionnait calmement son employeur. Le président lui répondit, peu sûr de lui.


"...Tout ce que nous avons à faire pour leur mission, c'est de capturer un des immortels, peu importe lequel. D'après nos renseignements, il y en aura au moins trois à bord. Ça ne les dérangera pas si je m'occupe d'un d'entre eux."


"'M'occuper d'un d'entre eux' ? Fichtre, un garçon de cet âge qui se met à vomir chaque fois qu'il tue quelqu'un peut-il vraiment se permettre de dire des choses pareilles ?"


"La ferme, Aging. Vous autres, les 'Quatre Supplices', vous n'êtes là que pour nous servir. Vous n'avez pas le droit de me contredire, et je ne compte pas vous écouter."


"Notre patron peut se montrer si mignon quand il essaie de se mentir à lui-même."


Aging ne fut pas le moins du monde impressionnée par la remarque glaciale du président ; elle se mit à rire et à se rapprocher de lui jusqu'à ce que leurs visages soient séparés d'à peine quelque centimètres.


"Si tu nous considérais vraiment comme de simples servants, tu ne prendrais pas le temps de nous parler individuellement comme ça."


"..."


"Pourquoi est-ce que tu essaies toujours d'avoir l'air aussi froid et détaché ? Parce que tu te sens responsable de la 'lignée' qui t'a fait hériter cette organisation ? Tu veux te venger d'un monstre que tu ne connais même pas ? Ou bien tu as peur que l'un d'entre nous s'empare de l'organisation si tu montre tes faiblesses ? Tu penses que tu vas te faire tuer ? Ou est-ce qu'au fond, tu déteste ce que tu fais ? Tu manques de confiance en toi ? Ou alors--"


Ils étaient tellement proches que le garçon pouvait sentir sur son visage la respiration qui s'échappait de ses lèvres élégantes. Le Rookie détourna le regard par inadvertance--


"Arrête de lire en moi comme dans un livre ouvert."


En se retournant comme s'il s'échappait, il lui cria dessus d'un ton nerveux.


"Et c'est un ordre du patron."




Aging ricana, tandis que le président sortait après avoir prononcé ces mots qui oscillaient entre la gaminerie et la pseudo-maturité.


"Pas la peine de 'lire en toi'--tout ce que je vois, c'est toi qui te planque derrière les apparences."


'Ou est-ce que tu cherches juste quelqu'un pour t'arrêter ?


Est-ce que tu veux que quelqu'un te dise, 'Pas la peine d'en faire autant' ?'


"Gahahahaha !"


Cette espèce de 'servante', se rappelant ce qu'elle s'apprêtait à lui dire, continua à rire comme à son habitude.


"Voyons, voyons... J'espère que ces gens me divertiront autant que le patron."


Elle sortit plusieurs photographies de sa jupe, pour les examiner avec attention.




Les photos semblaient voir été prises depuis une grande distance, pour ne pas se faire repérer. Plusieurs personnes avaient été ciblées, et leurs noms étaient inscrits dessous.



Sur la photo d'un homme au sourire étrange se trouvait le nom [Elmer C. Albatross].



Sur la photo d'un homme portant un masque tribal - qui n'avait rien à voir avec celui des Mask Makers - se trouvait un nom très court qui ressemblait plus à un pseudonyme : [Nile].



Sur la photo d'une femme sublime aux cheveux argentés, dont la beauté ensorceleuse était telle que même Aging en était troublée, se trouvait le nom [Sylvie Lumière].



La photo d'un asiatique à l'air calme. On aurait dit qu'il avait remarqué le photographe. Ses yeux semblaient fixer directement Aging à travers l'image. Dessous était inscrit le nom [Togo Denkuro].



Sur la dernière photo, une ligne rouge avait été tracée sur la gorge du sujet, comme si on avait naïvement voulu représenter une décapitation.



La dernière photo n'avait pas été distribuée aux employés. Aging venait de la ramasser dans la salle, après avoir empochée une des photos normales pour elle-même.


"...Il a beau faire, il reste toujours un gamin, hein ? Pourquoi faut-il qu'il se comporte ainsi sur une chose pareille."


Aging soupira et observa le visage assez jeune de l'homme sur la photo.


L'homme représenté avait un regard aiguisé, comme s'il pouvait percer à jour absolument n'importe qui.


Et le nom inscrit sous la photo--


Était celui d'un terroriste qui avait beaucoup fait parler de lui en Amérique, à peu près cinquante ans plus tôt.


[Huey Laforet]




"Hm... il n'est pas vraiment mon genre, mais..."


La femme fixait la photo du regard, et murmura--


"Je dois avouer... On dirait effectivement qu'il ressemble un peu au patron."




"Alors j'imagine que ce n'est pas impossible--il pourrait vraiment être l'ancêtre du patron."




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