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1933 - The Slash - Cloudy to Rainy


Chapitre 0 : Le tonneau




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Septembre 1933

Sur un chantier de construction situé sur la rive de l'Hudson



L'île de Manhattan était prise en sandwich entre les deux fleuves. À l'est, le détroit de l'East River ; à l'ouest, le fleuve Hudson.


L'Hudson était un des grands fleuves qui constituait quasiment un des symboles de New York. Ses rives étaient actuellement le terrain d'un important projet de construction, et toutes sortes de véhicules de chantier étaient disposés le long du fleuve. Peut-être s'agissait-il de consolider les rives, étant donné que différents engins destinés à draguer le lit du fleuve étaient assemblés ici et là.



Et c'est là, sur la rive du noble fleuve Hudson, que se tenait la jeune fille.

Eve Genoard se tenait sous le ciel nuageux gris pâle et tentait vainement de garder son calme, luttant pour maîtriser l'impatience et l'inquiétude qui agitaient son cœur. La teinte métallique du ciel s'accordait parfaitement aux vieux engins de chantier éparpillés dans toute la zone. Au contraire, la tenue d'un blanc immaculé que portait la jeune fille faisait tâche dans le décor ; mais elle ne semblait guère se préoccuper de ses vêtements et accordait toute son attention au chantier au cours. Si la qualité de ses habits n'avait pas été une indication suffisante, il n'y avait qu'à observer sa posture pour être certain qu'elle était d'une famille aisée. Comme pour confirmer cette impression, une voix préoccupée s'éleva derrière la jeune fille.


"Miss Eve ! Ce vent marin va vous ruiner la santé," dit le vieux majordome, inquiet pour sa maîtresse. Mais celle-ci se contenta de secouer la tête, et ne fit pas signe de bouger.


"Je suis désolée, Benjamin... Mais si possible, j'aimerais... j'aimerais juste attendre ici encore un peu."


Le majordome se tut et recula d'un pas, reprenant sa surveillance silencieuse, respirant la brise salée de l'océan tout en veillant sur sa jeune protégée.


Le chantier de construction n'était qu'un projet municipal parmi de nombreux autres, une simple décision administrative relevant de la gestion de la ville ; mais pour Eve il s'agissait d'une affaire personnelle, qui concernait le devenir de sa propre famille.




...Son frère immortel avait été coulé, encore vivant, dans les profondeurs du fleuve.

Elle était venue attendre sur la rive car elle avait la conviction que cette affirmation, que n'importe qui d'autre aurait considéré comme une idée folle tirée d'une imagination délirante, était la vérité. Elle avait suivi la seule piste à sa disposition pour découvrir ce qui était arrivé à son grand frère, présumé mort. Puis, embarquée dans une succession d'événements ahurissants, elle avait fini par trouver la vérité et, suivant cette conviction profonde de tout son cœur, elle avait persévéré.


Cela faisait déjà un an et demi qu'elle avait appris où son frère avait été jeté à l'eau. Ces dix-huit mois lui avaient semblé une éternité, mais elle n'avait pas perdu son temps : elle était parvenue à lancer un chantier de construction non planifié, visant à renforcer les rives du fleuve. Malgré la richesse que sa famille avait pu posséder à une certaine époque, elle n'avait pas les moyens de financer la drague de l'Hudson par elle-même ; alors elle avait choisi de financer le projet municipal de rénovation du fleuve, mettant tout en œuvre pour sauver son frère sous prétexte d'apporter son soutien à la ville. En échange de son support financier, elle avait demandé à ce que les ouvriers draguent le fond de la rivière et remontent tout ce qu'ils trouveraient. C'était l'une des nombreuses initiatives qu'elle avait mise en place et qui expliquait sa présence aujourd'hui.


Bien entendu, il était fort possible que le courant du fleuve ait entraîné le baril métallique retenant son frère jusque dans les profondeurs de l'océan Atlantique. Mais tant qu'il lui resterait le moindre espoir de secourir son frère, la jeune fille était préparée à miser tout ce qu'elle avait sur cette maigre chance. Elle reverrait son frère, elle en était sûre ; et tout en regardant les engins de construction à l'œuvre, elle rêvait de cet instant de tout son être.


Et soudain, lors du troisième jour des grands travaux de dragage qui précédaient le début du chantier, un ouvrier se précipita vers elle, essoufflé.


"Ah, v-vous êtes bien Miss Genoard, c'est ça ?"


Il était clair qu'il venait de parcourir la distance la séparant du site du chantier sans perdre un instant. Eve sentit les battements de son cœur s'accélérer tandis qu'elle acquiesçait.


"On, on a trouvé les tonneaux ! Comme vous avez dit !"


La voix et les gestes de l'homme étaient au-delà de la simple surprise ; on pouvait distinguer dans son expression une légère trace d'effroi, comme s'il avait assisté à quelque chose de pas naturel.


"Vous les avez trouvés !"


"M-m-m-m-mais ils y avait, il y avait, il y avait des gens ! À l'intérieur ! Dans les tonneaux ! Des gens dans les tonneaux ! Qui respiraient ! Encore en vie !"


Il était clairement profondément choqué. Il s'exprimait avec beaucoup de confusion, mais Eve savait exactement ce qu'il essayait de lui dire. Avec beaucoup d'effort, elle parvint à lui arracher l'emplacement des tonneaux remontés du fleuve et s'élança en courant, ignorant les cris d'inquiétude de son majordome.


'...Dallas !'


Elle avait vu de ses propres yeux ce qu'était l'immortalité. Il était resté sous l'eau pendant plusieurs années, et s'il avait été un humain ordinaire elle aurait été déjà bien optimiste d'espérer récupérer un corps entier... mais elle savait à quoi s'attendre. À en croire les dires du mafioso qui lui avait raconté toute l'histoire, son frère serait en parfaite santé.


Et puis, même s'il était blessé, même s'il était devenu un pitoyable amas d'os et de chair pourrie, tant qu'il était en vie... Elle s'accrochait à cet espoir désespéré, en courant vers l'entrepôt où étaient stockés les objets récupérés au fond du fleuve. Mais...

Ce qu'elle aperçut en entrant était complètement différent de ce à quoi elle s'attendait.




"Ah...?"


Le regard d'Eve se fixa tout de suite sur le groupe d'ouvriers allongés par terre, et les trois barils métalliques posés au centre. Toutes sortes de déchets étaient empilées dans les coins du vaste entrepôt. Un peu à l'écart, éparpillés ici et là comme si eux aussi étaient des détritus arrachés au lit du fleuve, se trouvaient les tonneaux entourés d'ouvriers étalés au sol.


"Que se passe-t-il..."


Prise au dépourvu par ce spectacle inattendu, elle courut près d'un ouvrier et le secoua doucement. Elle savait qu'elle ferait mieux de ne pas le déplacer, mais il ne semblait pas blessé, et elle lui donna une légère poussée... Pas de réaction. Il respirait encore, mais il paraissait KO.


"Qu'est-ce qui s'est passé ici ?"


Elle laissa l'homme inconscient et s'approcha lentement des barils au centre.


'...Dallas est dans un de ces tonneaux ?'


La gorge soudain très sèche, elle déglutit avec inquiétude, par réflexe, tandis qu'elle étudiait la scène. L'un des tonneaux avait été jeté au sol, et elle ne voyait rien qui ressemblât à une personne à l'intérieur ; seulement des livres, des pièces d'échec et ce qui ressemblait à des cartes à jouer, pris dans le ciment qui tapissait le fond du tonneau et dont les morceaux brisés gisaient épars.


Eve sentit son courage vaciller face à ce désordre inexpliqué, mais elle ne recula pas, gardant son regard fermement fixé sur les barils tout en s'approchant prudemment. Elle s'avança juste assez pour pouvoir regarder à l'intérieur d'un des barils encore debout, et aperçut quelque chose qui ressemblait à des cheveux humains.


"Uuungh..."


Un grognement émergea du baril lorsqu'elle s'avança.


"Dallas ?!"


Comme s'il s'était agi d'un signal, Eve parcourut la distance restante en un clin d'œil. Elle ne prêta aucune attention à la boue du fleuve qui recouvrait le bord et agrippa l'ouverture à deux mains, examinant l'intérieur du tonneau.


Il y avait un homme plutôt grand à l'intérieur. Il restait des blocs de boue et de plantes marines agglutinés dans ses cheveux, et la plupart de ses vêtements avaient pourri depuis longtemps, mais sa peau était intacte et absolument pas blême et gonflée, juste mouillée. L'homme était en train de grogner et de recracher de l'eau sale par la bouche et le nez.


Elle savait à quoi s'attendre, mais voir de ses propres yeux un être humain survivre à pareille épreuve restait un choc incroyable. Si elle n'avait pas été prévenue, elle n'aurait jamais pu croire que cet homme venait d'être tiré du lit du fleuve. Malgré la boue et la saleté qui couvraient son visage, Eve arrivait assez facilement à distinguer ses traits ; elle l'étudia un instant et fut décontenancée.


"Vous... n'êtes pas Dallas ?"


On lui avait dit que deux des acolytes de son frère avaient été jetés à l'eau avec lui, alors cet homme devait être parmi ces deux-là. Il y avait trois tonneaux dans l'entrepôt ; le nombre concordait. Mais ce qui l'inquiétait, c'était le tonneau vide.


Elle se dépêcha d'aller examiner le second tonneau. Comme prévu, il y avait un homme à l'intérieur, dans un état aussi piteux que l'autre, et comme elle le craignait, ce n'était pas non plus son frère.


"Ce... Ce n'est pas possible..."


Elle ne parvint pas à retenir une exclamation de désespoir en regardant le dernier tonneau, mystérieusement vide. Peut-être que les ouvriers l'avait déjà libéré du baril, et qu'il se trouvait parmi les gens inconscients au sol. Elle se retourna et commença à fouiller toute la zone, sans même faire une pause pour reprendre sa respiration, mais son frère n'était nulle part.


"Miss Eve ! Que se passe-t-il ici ?"


Benjamin avait finalement rattrapé sa maîtresse, et fut tout aussi surpris qu'elle en arrivant dans l'entrepôt. L'exclamation du majordome résonna dans tout le bâtiment... Et comme en réponse, l'un des tas de déchets dans un coin commença à remuer.


"Dallas ?!"


Eve se précipita vers le mouvement soudain, oubliant toute prudence. Elle se fraya un chemin dans la forêt de poutrelles métalliques et de pièces détachées, et aperçut une silhouette solitaire, dissimulée derrière une pile de détritus et tremblant violemment. Cependant, il ne s'agissait pas de son frère mais d'un jeune ouvrier, appartenant à l'équipe qui travaillait sur le dragage du fleuve.


"Ahhh !"


L'homme laissa échapper un cri bref en voyant Eve surgir, mais réalisa très vite qu'il s'agissait juste d'une jeune fille ordinaire, et commença graduellement à retrouver son calme.


"Calmez-vous, je vous en prie... Vous allez bien ? Qu'est-ce qui s'est passé ici ?"


Au début, l'homme parvenait à peine à ouvrir et fermer sa bouche sans un son. Finalement, la voix apaisante d'Eve réussit à le rassurer et il entama une explication hésitante.


"J-juste après qu'un des gars soit parti vous, vous prévenir, Miss... D-des gens bizarres sont arrivés et ont sorti un des types dans les tonneaux... Alors on a essayé de les en empêcher mais ils ont mis tout le monde KO en un éclair ! Comme ça ! Qu-qu'est-ce que c'était que ces tarés ?! I-il y avait une femme 'vec eux, aussi. C'était, on aurait dit de la magie, quand elle a tiré ce long bâton et l'a transformé en, en un genre de lance ou je sais pas quoi, et après elle a attaqué et assommé les autres avec..."


Après ça, l'ouvrier avait fui se cacher au fond de l'entrepôt, et il n'avait aucune idée de ce qui s'était passé ensuite. Eve et son majordome écoutèrent son récit avec une sombre expression. D'autres ouvriers finirent par arriver du chantier, attirés par le vacarme, et l'entrepôt tomba dans une cohue indescriptible. La jeune fille s'éclipsa des lieux et se tourna vers son majordome, les yeux remplis de chagrin.


"Je croyais vraiment que j'allais enfin pouvoir le revoir, Benjamin."


"Miss Eve..."


"...Mais je n'abandonnerai pas. Je ne sais pas qui a enlevé Dallas... Mais au moins je suis sûre qu'il est en vie, cette fois !"


Le majordome savait que la jeune fille faisait de son mieux pour paraître brave ; il se contenta d'incliner la tête, et d'acquiescer avec autant de fausse assurance qu'il le pouvait.


"Bien sûr, Miss Eve !"


Eve acquiesça de la tête avec détermination et fit un pas en avant ; le premier pas dans la seconde étape de sa quête à la recherche de son frère. Elle ne possédait presque aucune piste sur le groupe mystérieux qui l'avait enlevé, et ses chances étaient maigres. Mais elle gardait la tête haute, et sa posture ne faisait montre d'aucune hésitation ou regret.



"Mais... Pourquoi auraient-ils enlevé Dallas ? Qui aurait pu savoir pour lui, à part moi et M. Gandor..."



——



L'eau.

Elle m'étouffe.

En un instant.

C'était plié en un instant.


Ils m'ont traîné dehors cette nuit-là et jeté dans le fleuve et l'eau a envahi l'ouverture du baril.

Le temps que je réalise le froid, le baril était déjà à moitié plein.

Le temps que je pense à appeler à l'aide, ma voix était déjà engloutie.


L'eau.

C'était l'eau.

L'eau a envahi le monde entier, arrachant l'air de mes poumons, de mon estomac, de ma gorge, de ma bouche, petit à petit à petit à petit impossible de résister.


Je me souviens encore de la première fois où l'eau a envahi mon nez.

Pas moyen d'arrêter de trembler. L'eau coulait dans mon nez et je pouvais sentir ce putain de goût. Ça avait le goût du sel et de la boue. Et puis même le goût a changé en un éclair. Ce goût, je le sentais dans mon nez et mes yeux et ma gorge, a changé. Il avait pris le goût de mon propre sang.


Quand ça a atteint mes poumons j'ai commencé à tousser. J'ai même toussé tout ce qui me restait d'air avec l'eau du fleuve. Quand j'ai essayé de respirer, bien sûr, il n'y avait plus que l'eau.


j'ai mal


Je ne pouvais plus penser à autre chose. À chaque fois que je pensais que ça ne pouvait pas être pire, ça empirait.


j'ai mal j'ai mal j'ai mal j'ai mal mal mal mal...


Et puis c'est le trou noir. La douleur que je ressentais a explosé, cramé tout le reste, toutes les autres sensations. Le trou noir.


C'est pas comme être dans le cirage, ou même se faire étaler. Quand t'es dans le noir, t'arrives encore à sentir où t'es. Et tout ce qui te reste, dans le noir, c'est la douleur. Ah, je ne sais même plus combien de temps j'ai mis avant de perdre conscience.




Merde. Merde, merde.

Pourquoi je me rappelle aussi bien tout ça ?

Je ne veux pas me rappeler de toute cette merde.

Comment ça s'fait que j'arrive à y penser aussi tranquillement, putain ?


Je veux tout oublier. Chaque fois que je me rappelle, la douleur et la peur reviennent. Je ne veux pas me rappeler cette saloperie. Qui voudrait revivre ça, bordel ? Ces putains de souvenirs peuvent aller voir en enfer si j'y suis.


Il me faut autre chose. Penser à autre chose.

Ouais. La première chose à quoi je devrais penser, c'est...

...Où est-ce que je suis, putain ?!




"Saviez-vous que l'inventeur du baril en métal était une femme ?" dit quelqu'un.


Qui parle ? Je ne reconnais pas la voix.


"Elle s'appelait Nellie Bly. Le nom vous est peut-être familier, il existe même une chanson à son sujet. Elle a essayé d'accomplir le fameux 'Tour du Monde en Quatre-vingt Jours' de Jules Verne, et elle a réussi en seulement soixante-douze jours. Impressionnant, non ?"


Regardons dans la pièce, que je voie qui c'est qui jacte comme une radio mal réglée. Bon, je suis allongé sur un lit. D'ici je peux voir une lampe bon marché accrochée au plafond en bois. Il n'y a quasi rien dans la pièce. Pas de bureau, pas d'armoire. Je ne vois que le strict minimum : une chaise, une table, un lit. Rien qui vaille un clou dans cette pièce.


"Et vous avez passé plusieurs années enfermé dans le baril de sa conception. À vous de voir si vous préférez la féliciter ou la maudire pour son invention."


Bordel, qui c'est ce connard et quand est-ce qu'il va fermer sa putain de gueule ?

Ah, trouvé. Assis sur sa chaise comme si c'était un prince ; il l'a retournée et s'est posé à cheval dessus, les bras croisés sur le dossier. Il me regarde.


Ce type a des lunettes, et un bandana noir sur la tête. Tchh, je parie qu'il a pas un poil sur le caillou. Il a une espèce de tatouage de poseur le long de sa tempe, qui s'étend jusqu'à l'arrière de son crâne. Quel taré. Regarde-moi ces yeux ronds derrière ses lunettes, on dirait un poisson crevé.


"Je me demande à quel point vous deviez avoir l'air pathétique. Vous ne pouviez même pas mourir, tout au fond du fleuve. Vous avez sûrement passé votre temps à étouffer et pleurer et à souhaiter une fin qui n'arrivait pas."


Mais pour qui tu te prends, sale enfoiré ? Putain, mon corps refuse de m'obéir. Je crève d'envie de me lever et de foutre une bonne raclée à cet emmerdeur. Merde.


"Ne vous excitez pas comme ça. Je ne vois pas pourquoi vous devriez diriger toute cette haine à mon égard. Après tout, c'est moi qui vous ai sauvé."


Sauvé ? Moi ? Il m'a repêché, et puis... Attends, une seconde, où je suis, bordel ? Je ne suis pas au paradis ? Je suis toujours en vie ? Je ne vais plus devoir crever encore et encore dans ce foutu fleuve ?


Stop. Un instant. Du calme. Il sera toujours temps de faire la fête une fois que j'aurai trouvé qui est ce sale connard.


Enfin, si on me fout la paix et que je ne suis plus condamné à mourir sans arrêt... Je pourrais aller rendre visite à mon vieux. Lui et le frangin sont peut-être déjà au cimetière aujourd'hui, et alors à moi l'héritage. De toute façon, vu l'état de la fortune familiale, il ne reste plus que la maison et le terrain. Bah, c'est pas grave. Si j'ai déjà tout ça, je pourrais au moins acheter un cadeau à Eve, ou bien...


...Non, j'ai quelque chose à faire avant ça.

Prendre ma revanche.

Je vais buter tous ceux qui m'ont jamais regardé de haut.


Les frères Gandor. Ces bâtards sont ceux qui m'ont jeté à l'eau.


Le vieillard qui me filait des ordres. Sirrah, Sara, Serred, je ne sais plus.


Cette salope, Ennis. Elle m'a humilié plus d'une fois.


Ces gens qui m'ont roulé dessus... C'était qui ? Ah, je me rappelle. Je me rappelle maintenant. C'était l'autre abruti et sa copine au volant, ceux qu'on avait cogné la veille, avant que ça n'arrive.


Et plus que tout, je vais surtout régler son compte à ce petit connard qui est responsable de tous mes malheurs. Firo. Firo Prochainezo.


Ah, quel soulagement. Je n'ai pas oublié son nom. Ce petit salopard est probablement toujours en vie, lui aussi. Merde, j'aurais juré lui avoir tiré en plein dans la tête... Je l'avais manqué ? Je ne sais plus.


On s'en fout. J'ai juste à m'assurer que je n'en manquerai aucun, cette fois. Ils vont tous y passer.

Hé ouais, je suis immortel. Tout ce que j'ai à faire, c'est être un minimum prudent et je pourrai me débarrasser de tous ces connards. Quand aux autres immortels, le vieux salaud et cette salope d'Ennis, je vais les couler dans des tonneaux, eux aussi, ça leur fera les pieds. D'abord, je vais retrouver les deux abrutis...


"Je n'oserais présumer m'immiscer dans vos pensées, mais..."


Quoi ? Ne m'interrompez pas en pleine rêverie, bon sang.


"Vous n'êtes pas un peu curieux de savoir ce qu'il se passe ? Vous n'avez aucune question ? Ou vous êtes encore un peu dans les vapes, peut-être ?"


Ah, la ferme, putain. Qu'est-ce que je pourrais bien avoir à demander à un connard pareil ?


Ah ouais, tiens, on est où ici ? Et vous êtes qui, bordel ? Vous ? Me sauver ? Pfft. Je ne me souviens pas que vous m'ayez aidé. Comme si j'allais vous croire sur parole, enfoiré.


"Dallas Genoard. Vingt-deux ans. Un bon à rien somme toute ordinaire, quoique les archives mentionnent que vous ayez autrefois remporté un tournoi de billard local... Hmm. Plutôt inattendu, en fait."


Okay. Vous pouvez crever, vous aussi. Fermez-la et allez voir en enfer si j'y suis. Vous êtes qui, d'abord, putain.


Merde, je n'arrive toujours pas à ouvrir la bouche. Je ne peux même pas engueuler ce pauvre débile comme il le mérite.


"Allons, du calme. Ne me regardez pas comme ça. Encore un peu et je risquerais même de me mettre à trembler. On dirait presque que vous n'avez aucune gratitude envers moi pour votre sauvetage. Hmph. Peut-être aurais-je dû choisir les deux autres."


Les deux autres ? Quels deux autres ? Ah, ouais, ils ont jeté d'autres mecs à l'eau avec moi, mais que je sois maudit si je peux me rappeler de leurs noms...


Bah. On s'en fout. Ce qui compte pour le moment, c'est de m'occuper de ce salaud à la langue bien pendue et de me faire la malle. Ah, merde, je ne peux toujours pas bouger.


"Ah, oui. Je vous ai injecté un produit paralysant pour vous empêcher de vous déplacer pour le moment : pas la peine de paniquer."


Je vais te buter. Attends un peu, tu vas voir.


"Il me semble vous avoir déjà demandé de ne pas me dévisager ainsi. Écoutez, nous devons discuter d'affaires sérieuses. J'ai une proposition à vous faire qui pourrait vous rapporter beaucoup d'argent."


De l'argent ? Allez, je vais écouter ce chauve encore un peu, voir ce qu'il a à raconter.


"Il s'agit s'un simple échange. Vous coopérez avec nous, et nous vous remettons une large somme en liquide, bien plus que vous ne mériteriez."


Du liquide, hein. Le liquide, c'est toujours pratique. Mais je n'aime pas cette histoire de 'plus que vous ne mériteriez'. Balance un chiffre, crétin.


"Bien sûr, si vous refusez, quelqu'un va bénéficier d'un aller express dans un baril au fond de l'Hudson."


...Ouais, en voilà un pauvre abruti de fils de pute. Tu penses vraiment que tu vas me faire peur avec des menaces pareilles ? Okay, je vais faire style d'accepter ton marché stupide, et puis je prends l'argent et je me barre d'ici avant que t'aies compris ce qui se passe.


"Naturellement, cette personne serait votre petite sœur, Eve Genoard."


...

...Quoi ?

...Quoi ?!


"Ha ha ! Si seulement vous pouviez voir la tête que vous faites ! Pour être honnête, j'étais un peu inquiet quand nous avons fouillé dans votre passé. Je craignais que le coup de l'otage ne fonctionne pas sur une ordure comme vous, vous voyez ! Mais, l'expression que vous faites ! Vous pouvez poignarder vos amis dans le dos sans la moindre arrière-pensée, mais dès qu'on mentionne votre sœur... Ah, votre expression a vraiment changé ! Oui, oh oui. Le regard perçant que vous avez surpasse de loin celui dont vous me gratifiez auparavant. Il n'y a pas que de la haine, cette fois ; j'y vois aussi de la peur, la peur de perdre quelque chose qui vous est précieux."


Merde, merde, putain de merde !

Bordel ! Fait chier ! Va te faire foutre, sale enculé ! Sans déconner ! Tout ça n'a rien à voir avec Eve, espèce de malade !


Bon sang ! Pourquoi est-ce que cette saloperie me rend aussi nerveux ?! Ce qui arrive à Eve, ce ne sont pas mes oignons, pas vrai ?! C'est ce que j'avais décidé quand j'étais parti, non ?!


...Bon. Okay. Je l'admets. Voilà, t'es content ? Hein ?!

Je tiens beaucoup à Eve, d'accord ? Je ne veux pas qu'elle meure !


Mais si tu sais déjà tout ça sur moi, alors tu dois savoir que si tu touches à ne serait-ce qu'un seul putain de cheveu de sa tête, tu va gagner le privilège d'arriver en tête de liste des enfoirés auquel je vais faire la peau, okay ? Je vais, je vais, je vais te crever, quoi qu'il arrive ! Même si je devais laisser les autres tranquilles ! Non, j'irais même les supplier à genoux s'il le faut, juste pour pouvoir t'étriper !


"Les attaches familiales, hmm ? Comme c'est mignon. Très franchement, je vous envie un peu."


Parce que tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de tes envies ?!


"C'est juste, j'ai oublié de faire les présentations. Hé, Adelle ! Dis à tout le monde de venir."


Le foutu taré a appelé et un tas de mecs ont répondu présent, entrant dans la salle par la porte dans le coin. Ben merde, sacré brochette de guignols.


Ah tiens, au milieu de tous ces clowns, y'a une gonzesse, l'air juste un peu moins âgée que moi. Elle a vraiment une tête d'idiote, et puis elle tremble comme une débile mentale quand elle parle.


"Ah, euh... Tim, tu es sûr que cette personne va bien ? Il est en train de me dévisager."


"Ne t'en fais pas, Adelle. Cela signifie juste que le plan de l'otage fonctionne."


Ah ouais, alors ce taré s'appelle Tim. Compris. C'est enregistré. Tu es mort, fils de pute.


"Bref... Ne vous en faites pas. Nous ne sommes pas vraiment en train de surveiller Eve ou quoi que ce soit du genre."


...


"Mais si vous vous opposez à nous ou que vous vous montrez peu coopératif, alors Adelle ici présente ira emmener votre sœur en balade... et l'éliminer."


Cette pauvre idiote ? Vous vous foutez de moi ? J'ai vraiment l'air aussi stupide que vous ? Je la dévisage, tiens ; elle acquiesce timidement et elle murmure, "Heureuse de faire votre connaissance." Quoi, elle aussi elle est cinglée ? Bordel, mais qu'est-ce que c'est que ces gus ?


Pourquoi vous me faites ça ? Qu'est-ce que j'ai jamais fait pour mériter tout ça ?!

Non, laissez tomber. C'est vrai que j'ai fait un tas de saletés qui m'ont attiré beaucoup d'ennemis. Et alors quoi ?! Je devrai payer un jour, okay.

C'est juste que... Tout ça n'a rien à voir avec Eve !


Bordel de merde, je vais tous vous buter ! Et je vais prendre mon temps ! Je vais vous faire crever lentement et vous allez regretter le jour où vous avez décidé de menacer Eve ! Ce sera trop tard pour s'excuser, bande de pauvres connards !


"Je suppose que je devrais nous présenter formellement. Je m'appelle Tim. Vous pourriez dire que je suis le chef de cette petite assemblée disparate."


Cause toujours, ça m'intéresse. Trouduc'.


"Qui... êtes-vous, bande... d'enfoirés ?"


J'arrive enfin à parler. J'ai eu l'impression d'arracher ma gorge en deux, mais j'ai réussi à prononcer une question. Ce salopard de Tim répond si vite que ça m'énerve encore plus.


"Nous sommes les Larvae2."




"Nous sommes une bande de détraqués fous à lier, au service de Huey Laforet."



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2 Dans la mythologie romaine, esprits des morts qui terrorisaient les vivants. Aussi connu sous le nom de Lemures, une autre des organisations de Huey.





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