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2002 [A Side] - Bullet Garden


Chapitre 3 : Tous les Passagers Dansent dans un Jardin Semé de Balles




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La seconde nuit de la croisière, au coucher du soleil. Dans la chambre d'une suite de seconde classe.




Czeslaw Meyer passait la nuit dans la chambre d'une fille très mignonne.


On aurait pu croire à quelque chose d'osé, mais il se contentait en fait de surveiller les garçons qu'elle avait capturés et attachés. Ce n'était qu'une nuit de fatigue et d'inquiétude extrême.


Après avoir vu Illness capturer les gamins avec une aisance effrayante, Czes réalisa qu'il venait de se mettre dans de beaux draps. Mais il décida, puisqu'il était déjà impliqué, qu'il devait au moins essayer d'arranger la situation.


Si une chose pareille s'était produite dans les rues de New York, Czes n'aurait pas hésité à s'enfuir à toute vitesse ; mais c'était impossible dans un espace restreint comme ce navire. Il en conclut qu'il valait mieux rester et essayer de comprendre ce qui se passait.


'J'en ai assez de me retrouver embringué dans des intrigues qui ne me concernent pas.'


Et c'est avec cette idée en tête que Czes décida de demander directement à la fille.


"Qui êtes-vous vraiment, mademoiselle ?"


Mais la fille se mit à rire d'une façon adorablement inquiétante et répondit,


"C'est un secret. J'aurais des problèmes si je te le dis !"


"Avec qui ?"


"Le patron !"


"De quoi ?"


"Notre organisation !"


Pour quelqu'un qui parlait d'une organisation secrète, Illness répondait d'un ton étrangement assuré. Demander plus de précisions était inutile, elle se contentait de répondre "C'est un secret !" ou "Je n'en sais rien !". Czes avait abandonné le sujet avant qu'ils commencent à tourner en rond.


Trois garçons avaient été capturés plus tôt.


Leurs complices qui s'étaient échappés semblaient être un garçon et une fille. Illness était partie explorer le navire, en disant "Je vais aller les chercher !".


Czes s'ennuyait à mourir, mais il ne pouvait pas laisser leurs prisonniers sans surveillance.


'Franchement, c'est de la faute de M. Ronnie si ces gamins se retrouvent dans cette situation.'


Au départ, les garçons avaient tenté de clamer leur innocence.


Mais Illness avait ri, en disant "Je n'ai qu'à les torturer pour les faire parler. Le patron a dit que je pouvais leur faire tout ce qu'on me faisait à moi !", avant de soulever brusquement le bord de sa jupe devant eux.


"Qu-qu'est ce que vous faites ?!"


Czes se tenait derrière Illness, et ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes en la voyant relever sa jupe presque jusqu'à la poitrine.


Cependant--


Il semblait que les garçons face à elle aient aperçus quelque chose de bien plus terrifiant que ses sous-vêtements.


"AAAAAAHHHHHHHHHHH !!"


Le garçon élancé et celui qui était légèrement enrobé se mirent à trembler, leur visage soudain extrêmement pâle, tandis que le plus petit observait avec une lueur calculatrice dans le regard.


"...On dirait que nous ferions mieux d'avouer la vérité. Bobby et Carnea risquent de souffrir un sort terrible, si nous refusons." marmonna le garçon, avant de tout confesser sur les raisons de leur embarquement clandestin.




'Dire que même ces petits gamins se croyaient plus forts que lui..."


Les garçons étaient connus sous le nom de Tall, Humpty, et Troy.


Czes avait beau être au courant qu'ils appartenaient au gang de Bobby Splot, qui avait été source d'ennuis pour les affaires de la Famille Martillo, il était surpris de voir qu'ils n'étaient en fait que des gamins.


Il oublia sa propre situation l'espace d'un instant pour s'émerveiller du visage enfantin de Firo ; un visage tellement puéril que des enfants le considéraient comme quelqu'un d'inoffensif.


'J'imagine qu'il vaut mieux ne rien dire à Firo.'


Czes soupira profondément, avant d'adresser la parole aux garçons assis au sol devant lui.


"De toute façon, vous êtes fichus maintenant. Peut-être que ce fameux Bobby a déjà été capturé par l'équipage ?"


"La-la ferme, sale môme ! Ne sois pas aussi condescendant !" Le plus grand cria sur Czes, mais il n'était pas très convainquant, étant donné sa situation. Les pouces des garçons avaient été soigneusement attachés ensemble pour les empêcher de se libérer de leurs cordes.


"Je suis parfaitement libre de vous traiter avec mépris. Seuls les petits enfants ont le droit de se vanter après avoir battu un grand."


"Tu commences à me taper sur les nefs, gamin ! Essayer de te la jouer et de te moquer de nous ?!"


Tall luttait pour se libérer, mais Humpty semblait se résigner à son sort.


"Ah... Tout ça parce que Bobby fonce toujours sans le moindre plan." marmonna-t-il.


Troy poursuivit la remarque de son ami. "J'avais déjà abandonné au moment où Bobby a annoncé qu'il comptait faire quelque chose."


'Pourquoi est-ce que ces enfants lui obéissent, au juste ?' se demanda Czes ; cela dit, Jacuzzi, l'ancêtre de Bobby, avait été largement plus incapable et pourtant bien plus charismatique. Vu sous cet angle, il était logique qu'un casse-pieds comme Bobby réussisse à attirer un tel groupe d'acolytes. Après cette réflexion, Czes attendit en silence le retour d'Illness.


Ces enfants s'étaient avérés n'avoir aucun rapport avec Illness. Mais elle était quand même partie à la poursuite de Bobby et de sa partenaire, en disant "C'est bon ! On dirait que tout se passe conformément au plan, alors je n'ai rien à faire pour l'instant !"


"Quand même, quelque chose m'intrigue chez cette fille." murmura Czes, et les garçons se mirent à bavarder.


"Pareil."


"D-dire que Bobby ne nous a même pas accordé un regard. Il a pris sa main et s'est enfui à toute allure."


"Je suppose que c'était inévitable. Après tout ce temps passé serré contre elle dans notre cachette, on dirait qu'il est tombé amoureux. D'une certaine façon, c'est presque mignon. Je pensais qu'il ne se remettrait jamais de cet incident, après s'être fait manipuler par cette prostituée qui disait aimer les hommes plus jeunes. En fait, je trouve qu'ils forment un excellent couple de passagers clandestins."


Après avoir écouté l'opinion des enfants, Czes prononça à voix haute la pensée qui lui vint en tête.


"...Troy, c'est ça ? Est-ce que tu n'es pas délibérément en train de me donner des informations que je pourrais utiliser pour menacer Bobby ?"


"Oh, je vous en prie. Il s'agit juste de forcer Son Idiotie Royale à comprendre comment fonctionne le monde réel. Je suspecte qu'il était pressé de vous suivre hier parce qu'il voulait se mettre en valeur auprès d'elle."


"Hu huh..."


"Il affirme ne pas être intéressé, mais c'est presque inscrit sur son visage. La peau bronzée de Miss Carnea ressemble à s'y méprendre à celle de ses modèles favoris dans les magazines cochons."


Czes commençait à se demander si ces enfants avaient vraiment la moindre loyauté envers Bobby et décida de continuer à attendre Illness.


'Maintenant que j'y pense, j'ai laissé Ennis et Firo seuls ensemble depuis hier soir... J'espère qu'ils se sont rapprochés depuis.'


Czes se sentait un peu coupable, se disant que sa présence avait dû ralentir l'avancement de leur relation. Il laissa échapper un sourire rempli d'amertume et se tourna vers la télé, en espérant qu'ils aient au moins un peu progressé.



<==>



Centre Commercial.




"Wouah~. J'ai super bien dormi cette nuit, Ennis."


"Moi aussi. J'avais peur que ce soit difficile de s'endormir dans un cadre pareil, mais je n'aurais jamais imaginé qu'un lit et des oreillers de qualité puissent être aussi confortables."


Firo et Ennis discutaient tranquillement assis sur un banc, tout en regardant les gens passer d'un air satisfait.


C'était le genre de conversation qui aurait fait soupirer Czes de déception, mais il aurait probablement retrouvé le moral en voyant à quel point les deux avaient l'air heureux.


Actuellement, ils étaient assis devant la fontaine à l'étage inférieur du centre commercial circulaire.


Le fait qu'il y ait une fontaine dans ce navire était plutôt étrange ; mis à part les secousses du navire, on aurait pu se croire dans n'importe quel centre commercial qu'on pouvait trouver à terre.


Et alors qu'ils observaient les nombreux magasins et enseignes--


"Désolé de vous avoir fait attendre."


"Pas de souci. On vient juste d'arriver."


Firo sourit et se releva pour saluer l'homme en noir, Angelo.


"Laissez-moi vous présenter. Voilà ma femme Ennis. Ennis, voilà Angelo. Je t'ai parlé de lui hier."


Ennis et Angelo se saluèrent respectivement.


"Em, c'est un plaisir de vous rencontrer..."


"Quelle beauté. Je dois avouer, je suis un peu jaloux. Presque assez pour vouloir échanger avec ma propre femme. ...Ce n'était qu'une plaisanterie, pas la peine de me regarder ainsi. Mais je maintiens le compliment."


"A-ah ! Vous êtes trop généreux."


"Non, non. Je vous présente mes excuses pour les impacts de balle dans le costume de votre mari hier."


Bien que le ton de la conversation soit tranquille, le sujet était loin d'être ordinaire.


"Ça, vous pouvez le dire. J'ai l'impression que ça fait des années que je ne me suis pas fait tirer dessus."


"J'ai fini par gâcher des munitions, moi aussi. Pourquoi ne pas passer l'éponge tous les deux ?"


"...En fait, vous êtes un type plutôt marrant, vous savez ?"


Firo se mit à rire amèrement. Angelo rit également, mais son regard restait sur la défensive.


"Mais est-ce que ça va vraiment aller ? Je ne suis pas sûr qu'il soit très sage d'impliquer votre femme..."


"Ennis ne court aucun danger. Ces gens ont aussi des femmes dans leur équipe, non ? Elle pourra aller vérifier les endroits réservés aux femmes. De toute manière... Nous ne sommes pas très heureux d'être sur le même bateau que ces types inquiétants, nous non plus."


"Je suppose..."


Angelo hésitait. Firo décida de le rassurer.


"Dans tous les cas, nous n'allons vous aider que pour la reconnaissance. Nous ne comptons pas nous impliquer, même si un combat devait éclater. Je ne suis pas en position de chercher la bagarre à d'autres organisations."


"Je comprends. Vous avez une famille dont vous devez prendre soin, après tout."


Firo acquiesça et continua.


"Bien sûr, je serai forcé d'agir s'ils menacent de faire couler le navire."


"Je dirai à notre Demolisher de ne rien tenter de la sorte."


Une fois le bavardage amical terminé, Firo et Angelo commencèrent à discuter leur plan d'action.


Ennis plongea dans ses pensées en les écoutant discuter d'un ton sérieux.


Firo n'avait pas révélé à Ennis les détails de ce qui lui était arrivé la nuit dernière.


Et elle n'avait rien demandé.


Firo lui avait raconté ce qui s'était passé jusqu'au moment où il s'était retrouvé mis en joue par une arme à feu, après une méprise au sujet des 'Mask Makers'. Cependant, il s'était arrêté là. D'après l'état de ses vêtements, Ennis pouvait dire qu'il s'était fait tirer dessus au moins quatre fois.


Mais Firo ne lui avait confié aucun détail, et ne lui avait pas dit comment le quiproquo avait pris fin.


Elle savait juste que le souci avait été résolu et qu'Angelo avait découvert l'immortalité de Firo. Ensuite, Firo l'avait suppliée : "Je ne pouvais pas ne pas l'aider, après tout ce qu'il m'a dit... Alors, c'est comme ça que ça s'est passé ! Je suis vraiment désolé ! Est-ce qu'on peut l'aider, juste pour demain ?"


Mais cette raison suffisait à Ennis.


En tant que capo de la Camorra, Firo essayait toujours de maintenir une certaine distance et une certaine objectivité. Mais dans beaucoup de domaines, il réagissait toujours à l'instinct. Bien qu'Ennis ignore ce qui était arrivé quand Firo s'était fait tirer dessus, elle n'avait aucune intention d'insister sur le sujet ou de s'énerver, du moment que Firo pouvait pardonner le responsable avec un sourire.


'Tu en fais toujours beaucoup trop.'


Ennis connaissait cet aspect de Firo depuis qu'il avait été emprisonné à Alcatraz en 1934 pour répondre des crimes d'Ennis-- non, depuis qu'il avait exprimé sa colère envers Szilard quand ils s'étaient rencontrés.


Elle savait aussi que c'était ce qui l'attirait autant chez Firo.


Alors Ennis n'était pas en colère. Mais elle s'était décidée à faire tout ce qu'elle pouvait pour alléger les responsabilités qu'il endossait tandis qu'ils vivaient ensemble, et c'était quelque chose qui la rendait heureuse.


C'était pour ça qu'elle avait suivi Firo ici pour l'aider, mais elle réalisa quelque chose en regardant Firo discuter avec Angelo.


Firo était doué pour utiliser les gens sans pour autant les mettre dans la confidence.


Ce n'était pas de la manipulation ; on aurait plutôt dit qu'il avait le truc qui faisait se dire aux autres, 'J'ai envie d'aider aussi'.


Bien qu'Ennis ne sache pas si c'était un effort délibéré de sa part ou si c'était un talent inconscient, elle sentait que Firo était exagérément bon à cette sorte d'exhortation.


Peut-être que c'était une qualité utile pour un membre du milieu criminel.


Mais peu importe la réponse, elle aimait Firo-- l'homme qui avait besoin d'elle, et qui se tenait à ses côtés même quand il n'avait pas besoin de son aide.


Quand elle avait parlé de tout ça à Czes, il avait ri et lui avait répondu : "Tu sais, Firo pense probablement la même chose de toi. Tel mari, telle femme, hein ?"


'Est-ce que c'est ça que ça veut dire ?'


Ennis décida d'y réfléchir un peu plus et se rappela le moment où Firo lui avait dit, "Allons nous marier"--



"Qu'est-ce qui ne va pas, Ennis ? Ton visage est tout rouge... Tu ne te sens pas bien ?"


Les événements de la veille se reproduisaient, mais les rôles étaient renversés.



<==>



Salle de stockage de l'équipement du navire.




"C-c'est bon. On devrait pouvoir se reposer ici."


Bobby laissa échapper un soupir de soulagement tandis qu'il marchait dans la salle de stockage mal éclairée et remplie de machinerie, en serrant fermement la main de Carnea dans la sienne.


"A-aïe..."


"Ah ! Désolé !"


Bobby lâcha rapidement sa main et la regarda d'un air contrit.


"Ah, tout va bien. Désolée d'avoir criée sans prévenir."


Carnea s'excusa silencieusement. Bobby manqua de se mettre à rougir.


Mais il se dit que ce serait faible de sa part d'être embarrassée par une fille dans cette situation, et répondit à voix basse.


"Bref, tu dois faire attention. Écoute. Si tu me ralentis, je vais devoir continuer sans toi."


"Ah, d'accord."


Carnea répondit, pleine de remords.


Dans sa tête, Bobby se répéta "Je suis vraiment un idiot" à vingt-trois reprises.


Ils avaient fui dans tout le navire sans un instant de répit, et avaient même du mal à marcher tellement ils étaient épuisés.


Après s'être finalement assuré qu'ils ne percevaient aucune autre présence, Bobby et Carnea s'installèrent derrière un grand élément de décor.


"J'espère que... ils ne nous ont pas suivi aussi loin..." dit Bobby, et il soupira d'un air épuisé.


Carnea acquiesça et soupira de concert, mais elle semblait encore être transie de peur. Sa respiration était agitée.


Le motif de leur terreur n'était pas l'atmosphère sinistre dégagée par la fille appelée Illness.


Ce n'était pas non plus la peur d'être attrapés par l'équipage et livrés à la police.


C'était parce qu'ils étaient actuellement poursuivis par quelqu'un-- pas Illness ni l'équipage, mais une autre personne.



<==>



Plusieurs heures plus tôt.




"Okay. Okay. Okay. On est à l'abri ici pour le moment."


Ayant échappé à Illness et aux membres d'équipage, Bobby et Carnea venaient de pénétrer en courant dans une lingerie qui était indiquée comme "hors d'usage".


Plutôt que de s'offusquer d'un tel dysfonctionnement dans un auto-proclamé paquebot de luxe, Bobby était soulagé de trouver un endroit désert comme celui-ci où ils puissent se cacher.


Mais ils ne pouvaient rester terrés ici éternellement.


Alors qu'il regardait autour de lui à la recherche d'une solution, Bobby repéra une petite trappe près du plafond.


Elle était reliée à un conduit de ventilation suffisamment large pour qu'une personne s'y déplace. L'ouverture était probablement faite pour qu'un technicien de maintenance puisse y rentrer en cas de problème.


"Dans ce cas..."


Bobby regarda par terre et repéra une échelle posée dans un coin de la pièce.


"Okay !"


Le passager clandestin remercia Dieu pour sa bonne fortune et prit l'échelle sans hésitation. Il grimpa avec Carnea et ils s'avancèrent dans le conduit de ventilation--


Jusqu'à ce qu'ils tombent sur un étrange appareil avec une lumière rouge clignotante.



<==>



Sur la passerelle.




"Hein...?"


L'homme surveillant l'ordinateur portable fronça les sourcils. Son camarade assis derrière lui se retourna.


"Qu'est-ce qu'il y a ?"


"Regarde ça... Je pense que quelqu'un a dû toucher à l'un des systèmes de Life."


"...Attends une seconde."


L'un des bandits qui avaient détourné le navire - les Mask Makers - sortit une radio de sa poche et ajusta la fréquence.


"Life ? Tu m'entends, Life ?"


[Y aurait-il un souci ?]


"Où es-tu, là maintenant ?"


[Dans la zone centrale des conduits. Bloc 3.]


Ayant confirmé la position de Life, l'homme masqué lui posa une question sérieuse.


"Alors tu n'es pas au #53 ?"


[Je ne suis pas très loin, mais c'est encore à une certaine distance. Quel est le problème ?]


"...On dirait que des rats se sont introduits dans le #53."


[...Compris. J'espère qu'il s'agit effectivement juste d'un rat qui s'infiltre dans les systèmes.


Je vous recontacte dans un instant.]



<==>



Dans les conduits de ventilation.




"Hein ? C'est quoi ?"


Bobby découvrit un étrange appareil durant son escapade.


"Qu'est-ce que c'est ?" demanda Carnea derrière lui.


"J'ai trouvé un truc bizarre." répondit Bobby, et il toucha l'appareil pour vérifier. Après tout, il ne pouvait pas prendre le risque de ramper par-dessus et de déclencher une alarme.


Il l'observa pendant un moment, mais plus il l'examinait, moins il était capable de discerner l'utilité de cet objet.


Comme il n'était relié à aucun fil, ce devait être un appareil indépendant. Le fait qu'il n'y ait aucun câble d'alimentation suggérait également que ce n'était pas un système permanent du navire.


A l'intérieur de l'appareil se trouvait une petite bouteille en plastique, et une espèce de liquide tremblait à l'intérieur.


"Qu'est-ce qui ne va pas, Bobby ? Il y a un problème ?"


"...Euh..."


Après une longue et attentive observation de l'appareil, Bobby pencha la tête et tira une conclusion.


"Je parie que c'est une espèce de système de gaz pour éloigner les rats !"




"Et bien sûr, vous êtes les 'rats' en question."




Soudain, une voix basse retentit depuis l'obscurité qui s'étendait devant Bobby.


"Arghhh ?!"  "Hein ?!"


Il semblait que même Carnea, qui était derrière Bobby, avait remarqué cette présence dans l'ombre. Elle se mit à crier et à reculer.


Le propriétaire de la voix était illuminé par la faible lumière rouge qui se dégageait de l'appareil ; son visage était couvert par un masque et une paire de lunettes de vision nocturnes. D'après l'expérience que Bobby avait acquise en regardant des films et des dessins animés, l'apparence de cet homme s'accordait bien à l'espace exigu du conduit.


Mais ce n'était pas le moment de penser à des choses pareilles.


"Quels enfants impudents vous êtes. Je crains de devoir vous punir."


Bobby essaya de reculer en hâte, mais la main de l'homme masqué se tendit vers lui encore plus vite.


"Bobby !"


Au moment où Bobby entendit la voix de Carnea derrière lui, il résista en poussant l'appareil mystérieux vers l'homme aussi vite que possible.


"NON !"


L'homme masqué rattrapa l'appareil à deux mains pour s'assurer que la bouteille ne se brise pas sous le choc.


Bobby recula rapidement et redescendit dans la lingerie.




Ayant échoué de façon spectaculaire à capturer les enfants, Life vérifia que l'appareil était encore fonctionnel, soupira, et se dirigea vers la sortie qu'ils avaient empruntés.


Il pressa l'interrupteur dans ses lunettes, ce qui désactiva la vision nocturne de ses lunettes et les fit passer en mode caméra. Il put voir le garçon s'enfuir de la lingerie, en tenant la main d'une fille blanche à la peau bronzée.


Life resta immobile un moment, pris dans ses pensées.


"Eh bien. Est-ce que ces enfants sont les 'héros' que nous devons redouter ? Ou bien de simples victimes...?"


Après s'être murmuré ses pensées à voix haute, il sortit sa radio.


"Oui, c'est moi. Les rats étaient deux enfants. Et je m'en excuse, mais ils ont réussi à s'enfuir."


[Quoi ?! Tu crois que tu vas t'en sortir avec cette excuse minable ?!]


"...Mais je ne pense pas que les rats vont me signaler au personnel de sécurité."


[Quoi ?]


L'homme à l'autre bout de la ligne demanda des explications d'un ton sec. Life expliqua calmement la conclusion à laquelle il était arrivé.


"Étant donné qu'ils se déplaçaient discrètement dans un endroit pareil... Je suspecte que ces deux-là sont des passagers clandestins."


[...]


"Je crois qu'il serait plus prudent de les capturer et de les enfermer avant qu'ils décident de parler de nous en dépit de leur situation."


[Décris-les moi.]


"Un garçon aux cheveux courts d'environ quatorze ans, et... une fille blanche avec des cheveux blonds et une peau superbement bronzée, probablement du même âge que le garçon ou un peu plus jeune. Je crois que le plus simple serait juste de rechercher une paire composée d'une fille blonde et bronzée et d'un garçon à l'apparence ordinaire."



Et ainsi, les deux passagers clandestins qui tentaient de se faire discrets devinrent soudainement la cible des Mask Makers.



<==>



De retour à la salle de stockage.


Bobby se rappelait les événements des dernières heures alors qu'il tentait de retrouver son calme.


Ils s'étaient trouvés dans un danger sans précédent depuis le moment où ils étaient tombés sur l'espèce d'espion dans le conduit de ventilation.


Les gens qui les pourchassaient n'étaient pas la fille portant une robe gothique, ni un membre d'équipage particulièrement vigilant ; c'était un groupe de passagers d'apparence ordinaire desquels émanait une atmosphère de danger.


Alors qu'ils surveillaient leurs alentours pour éviter l'homme aux lunettes spéciales, Bobby et Carnea s'étaient fait surprendre par des hommes qui leur fonçaient dessus.


Les expériences passées de Bobby à semer les officiers de police de Manhattan s'avérèrent extrêmement utiles dans cette situation. Ses années vécues dans la délinquance lui avaient appris à repérer les policiers en civil et les victimes venues récupérer leurs biens dérobés, même dans des endroits comme Broadway.


Ce n'était pas un talent qui inspirait la fierté, mais c'était presque une grâce divine vu la tournure qu'avaient prise les événements.


Quand ils pensaient avoir finalement perdu leurs poursuivants, d'autres passagers surgissaient pour les attraper. C'était comme si le navire entier était devenu leur ennemi.


S'ils s'étaient fait attraper par l'équipage pour avoir embarqué clandestinement, Bobby et Carnea auraient juste été livrés à la police.


Ils ne savaient pas ce que la goth loli leur voulait, mais elle ne semblait pas en avoir après leur vie.


Mais ces hommes étaient dangereux.


Les (courtes) expériences de la vie de Bobby, ainsi que son instinct, déclenchèrent la sonnette d'alarme dans sa tête.


'Ces gens vont nous tuer.'


Carnea semblait avoir eu la même impression. Après avoir réussi à atteindre un endroit désert, le soulagement revint finalement sur leurs visages.


"On sera en sécurité ici. Pour le moment, en tout cas."


"O-oui... Aaahhhh !"


Au moment où Carnea leva les yeux, elle se mit à hurler et Bobby se figea sur place.


Il suivit son regard par réflexe, et aperçut une gigantesque mâchoire béante.


C'était un grand requin blanc, faisant plus de dix mètres de long--ou en tout cas, une maquette animatronique d'un requin blanc.


"Il-il m'a fait peur..."


"C'est le requin robot du pont, c'est ça...?"


Ils trouvèrent aussi le costume intégral du personnage principal de la série [Mode Gears], L'Engrenage. Bien qu'il comporte de nombreuses parties métalliques et rouages, il n'y avait guère de différences avec un costume plus habituel.


Il y avait d'autres éléments de tournage et de décor pour le film [Mode Gears] rassemblés ici. Il semblait que cette salle de stockage ait été réservée pour l'événement publicitaire organisé pour le film.


"Hier, il était encore dehors... Qu'est-ce qu'il fait là ?" demanda Bobby, dirigeant sa question à Carnea.


"...La cérémonie à la fontaine va bientôt commencer."


Cette réponse sèche figea une fois de plus les passagers clandestins en statues.


Quand ils se retournèrent, ils virent un garçon aux yeux dorés mais glacials.


"Qu-qui êtes vous ?"


Il ne semblait pas être l'un de leurs poursuivants, mais le garçon au visage efféminé observait Bobby et Carnea avec un regard impénétrable.


"...Pas d'entrée non autorisée..."


Bien que la voix du garçon soit presque inaudible, elle cachait clairement une volonté intraitable.


'C'est comme s'il voyait à travers moi.'


Se sentant menacé par ce nouvel arrivant, Bobby sortit vivement un cran d'arrêt de sa poche, comme il en avait l'habitude à New York.


"B-Bobby !" s'écria Carnea avec un ton qui mêlait peur et reproche, mais il ne pouvait plus reculer.


"Silence. Tout va bien se passer. Tu la fermes, et je ne te ferais aucun mal."


C'était une menace assez inhabituelle. Normalement, Bobby dévalisait les touristes en leur criant dessus violemment pour les faire paniquer. Sa tactique habituelle ne fonctionnerait pas dans une situation pareille.


Sans indiquer à quoi à il pouvait penser, le garçon marcha en direction de Bobby sans hésitation.


"P-pas d'histoires, okay--"


Bobby pointa son cran d'arrêt pour le menacer.


"...C'est toi qui fais des histoires."


Le garçon croisa les bras et les abaissa brusquement, comme pour recouvrir la lame.


"Qu'est-ce qu--"


La main armée de Bobby fut bloquée par les bras croisés de son adversaire.


La lame fut coincée dans l'espace vide entre les bras et le torse du garçon, et Bobby se trouva incapable de se libérer.


Et d'un simple mouvement, le garçon tira le poignet de Bobby vers lui tout en passant derrière Bobby.


"Hein ?"


S'il résistait, son bras serait brisé.


Son adversaire disparut derrière son dos avant même que Bobby réalise ce qui se passait. Et avant qu'il puisse réagir, le garçon était en train de lui tordre le bras.


"...Arg...AAAAAHH !"


'Douleur.'


Les cellules nerveuses de Bobby firent remonter ce message à son cerveau, Bobby relâcha sa prise et la lame fut projetée en l'air.



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Le garçon récupéra le cran d'arrêt sans un mot, replia la lame et le mit dans sa poche comme si rien ne s'était passé.


"Ah... ah..."


Alors que la douleur envoyait Bobby sur les genoux, quelque chose se brisa bruyamment dans son coeur.


'C'est fichu.'


S'il avait été seul, Bobby aurait abandonné sur le champ-- sans même se préoccuper de savoir si son adversaire était un ami ou un ennemi.


Mais là, Carnea était avec lui. Il devait trouver un moyen de s'en sortir, peu importe ce qu'il lui en coûterait.


Et comme pour se moquer des efforts de Bobby, le destin envoya un obstacle de plus sur leur chemin.




"Hé, et cet entrepôt ?"


"Il est plutôt grand... mais ils n'étaient pas dans l'autre, alors... Passe par là !"


Ils entendirent des voix provenant d'un coin de la zone de stockage, appartenant probablement à leurs poursuivants.


Bien qu'ils soient pour l'instant dissimulés derrière les éléments de décors et les étagères, les hommes se dirigeaient sans le moindre doute dans leur direction.


"C-Carnea ! Tu dois me laisser et t'enfuir !"


"J-Je ne peux pas, Bobby ! S'ils t'attrapent, ils vont te tuer !"


Bobby et Carnea se disputaient à voix basse.


Pendant ce temps, le garçon qui s'était emparé du couteau écoutait attentivement leur conversation, ainsi que les voix qui fouillaient la salle.


Puis il s'avança lentement.


En tirant derrière lui Bobby et Carnea par le bras.




"Alors ?"


"Non, je ne crois pas--hein ? Hé ! Hé toi, gamin !"


L'un des Mask Makers avait repéré une petite silhouette dans un coin de la salle de stockage.


"Retourne-toi une seconde... quoi ?"


Lorsque l'éclairage limité de la salle mit le visage du garçon en lumière, l'homme se mit pratiquement à hurler.


"Ch-Charon ! Tu es bien Charon Walken ?"


"Quoooooii ?! Pas possible ! C'est vrai ?"


Au moment où ils réalisèrent que ce garçon était le cascadeur de renommée mondiale, les deux bandits s'écartèrent momentanément de leur mission pour discuter nerveusement avec la star.


"Wouah...! Charon Walken en chair et en os... J'adore ce que vous faites ! C'est un honneur de vous rencontrer."


"..."


"C'est incroyable ! Il est exactement comme sur les photos."


L'atmosphère se détendit en un instant.


"..."


Bobby se tenait seul, pris de tremblements et couvert de sueurs froides.


Il se tenait juste à côté de l'un de ses poursuivants, tremblant avec un air désespéré à l'intérieur du costume intégral de L'Engrenage.


Quelques instants plus tôt, Charon avait brusquement saisi Bobby et Carnea par le bras. Il avait soulevé Carnea pour la placer à l'intérieur de la mâchoire du requin, et avait fait enfiler son propre costume de L'Engrenage à Bobby.


L'intérieur du requin était plus spacieux qu'il n'en avait l'air, car il avait servi à tourner une scène durant laquelle L'Engrenage était avalé entièrement par la créature. Il y avait largement assez d'espace pour Carnea.


Pendant ce temps, Bobby n'avait pas réussi à finir de mettre le costume. Il était coincé dans l'apparence peu enviable qu'offrait le torse d'une créature de rouages combiné avec une paire de jeans ordinaire.


Même s'il faisait sombre dans la salle, les hommes n'auraient aucune difficulté à repérer Bobby s'ils regardaient de plus près. Bobby se raidit, pris de panique.


"H-hé, ça me fait mal de dire ça, mais on doit y aller."


"Ah, oui. Hé Charon, est-ce que par hasard tu aurais vu deux gamins passer par ici ?"


Charon acquiesça et pointa une sortie différente de celle par laquelle ils étaient entrés.


"Par là, hein ? Bon sang ! On les avait presque !"


"Désolé. Tu vois, ces morveux se sont barrés avec nos portefeuilles."


Les hommes discutèrent brièvement et commençaient à s'éloigner en hâte, quand l'un d'entre eux s'arrêta soudainement avant de se retourner.


"Sérieusement, qu'est-ce que je fabrique ?"


'Il nous a repérés !


On est fichus !'


Bobby sentit même son esprit se figer en voyant l'homme revenir.


"J'avais complètement oublié ! J'ai un carnet et un stylo sur moi. Est-ce que je pourrais avoir un autographe ?"


L'homme sortit un carnet. Bobby dut faire appel à toutes ses forces pour empêcher ses genoux de céder sous lui.


"Bon sang, c'est carrément cool ! Ah, oui ! Tu peux me signer ça ?"


"Mais c'est..."


"Qu'est-ce qu'on s'en fiche ?! Super ! Je pourrais le montrer à tout le monde après !"


Les homme quittèrent la salle de stockage sur ces dernières paroles. Bobby laissa échapper un soupir de soulagement et s'effondra au sol.


"Me-me-merci. On t'en doit une."


Charon pencha la tête et s'adressa à Bobby.


"...des pickpockets ?"


"Non ! Tu dois me croire ! Je n'ai rien fait cette fois !"


"..."


Charon acquiesça.


Bien que Charon reste silencieux et soit quelque peu inquiétant, Bobby remercia le garçon avec gratitude de leur avoir sauvé la vie.


"Désolé... Et dire que j'ai essayé de te menacer avec un couteau." dit-il d'un ton embarrassé.


Charon secoua la tête.


"...je vais... voir dehors."


Il disparut ensuite par la même sortie que leurs poursuivants avaient emprunté.


Bobby commença à inspirer profondément, dans le costume de L'Engrenage. Il regarda le requin au-dessus de lui, et vit la tête de Carnea qui pointait légèrement entre les dents de la créature.


"E-est-ce qu'on est sauvés...?"


"...Ouais... mais qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?"


Bobby avait envisagé de se rendre auprès de l'équipage, mais il n'avait aucune garantie que leurs poursuivants n'étaient pas en contact avec les membres d'équipage.


L'idéal serait que l'équipage les écoute et croie à leur découverte des dispositifs étranges dans les conduits de ventilation, mais il était possible qu'ils aient déjà été retirés.


"Que faire...?"


Bobby baissa la tête en tenant les parties inférieures du costume de L'Engrenage, se demandant quoi faire ensuite. Il finit de mettre le costume entier, juste au cas où les hommes reviendraient avant Charon.


Mais avant qu'il puisse finir, la salle fut brusquement illuminée par l'éclairage à pleine puissance.


Au même moment, les portes s'ouvrirent dans un bruit retentissant et une foule de gens commencèrent à envahir la salle.


"Wouah..."


Bobby se figea, sur le point d'enfiler la botte droite, la dernière pièce du costume.


Voyant ça, l'homme au centre de la foule s'exclama : "PROOOOOOOOOOOOOOOOOOOODIGIEUX !"


'Qu-qu'est-ce que c'est que ce bazar ?!'


Bobby laissa inconsciemment échapper un cri face à ce bruit soudain. Son esprit avait du mal à encaisser cette suite de situations stressantes qu'il devait affronter.


"Tu nous a fait attendre, alors nous sommes allés te chercher ! Dire que tu étais déjà en train d'enfiler ton costume ! Tu es décidément le dieu de L'Engrenage ! L'enfant des rouages ! Et pourtant, qui est ce jeune homme qui refuse de devenir un rouage de la société ? C'est ça ! Ton nom est Charon ! Qui pourrait-ce être sinon Charon Walken ? C'est génial ! Je l'affirme, c'est parfait !"


Derrière l'afro-américain joufflu, se trouvait une véritable avalanche de (probablement) membres d'équipage. Ils commencèrent à transporter le requin animatronique, avec Carnea toujours cachée à l'intérieur.


'Hé !'


Il voulait les arrêter, mais faire entendre sa voix le démasquerait immédiatement.


Comment était-il supposé les arrêter sans se faire attraper ?


Ignorant la panique de Bobby, l'homme afro-américain - qui semblait diriger tout le monde - donna une claque vigoureuse dans le dos de la créature aux rouages.


"Allons-y ! Claudia a probablement attisé la foule, alors maintenant nous avons juste besoin de toi pour les enflammer !"


Ayant commis l'absurdité d'envoyer la tête d'affiche pour attiser la foule, le réalisateur entraîna L'Engrenage - Bobby - par la main.


Bobby ne pouvait refuser ni se défendre et se laissa mener hors de la salle de stockage - sans même un moment pour imaginer ce qui pouvait l'attendre au dehors.



<==>



Le pont inférieur du centre commercial. Dans un café devant la fontaine.




Ils n'étaient qu'à quelques mètres de la fontaine. Deux hommes et une femme prenaient un café, assis autour d'une table.


"Plutôt étrange de trouver un café en extérieur dans un endroit pareil."


"Cela dit, il y a beaucoup de galeries qui ont des cafés en intérieur et extérieur..."


"On devrait peut-être aller boire un coup sur le pont quand tout ça sera terminé."


"Oubliez cette idée, vous passeriez probablement par dessus bord."


Alors qu'ils discutaient de leurs prochaines options et de certains traits distinctifs des Mask Makers, ils réalisèrent que l'endroit était soudainement devenu très animé.


"Que se passe-t-il ?"


Ils se retournèrent, et entendirent la voix d'une fille qui leur était familière venant de l'autre côté de la fontaine.


"Est-ce que c'est Claudia ?"


"Maintenant que j'y pense... J'ai entendu dire qu'ils prévoyaient un événement spécial pour le film aujourd'hui, sur la scène près de la fontaine."


"Wouah... Aussi près de son public, hein ? Ça lui correspond à merveille."


"Claudia a toujours aimé être au centre de l'attention, même à ses débuts."


"Ça, c'est sûr. Ces enfants n'ont même pas de manager, et ils obtiennent des rôles sans problème..."


Alors que Firo et Ennis discutaient joyeusement de Claudia, Angelo les interrompit avec un regard curieux.


"Quoi ? Vous deux, vous connaissez Claudia Walken ?"


"Ah, on pourrait dire que c'est une amie de la famille."


"Je vois... Je vous envie un peu. De toutes ses oeuvres, c'est [The Wild Dog] que je préfère."


Étonnamment, Angelo se mit à sourire. Il se mit à regarder aux alentours, sans changer d'expression.


"Hé, qu'est-ce qu'il y a ?"


"Je surveille pour voir si 'ils' sont venus assister à la performance."


"Vous pensez vraiment qu'ils prendraient le risque de se montrer devant tout le monde ?" demanda Firo avec un sourire amer.


La réponse d'Angelo fut énoncée d'un ton sérieux, alors qu'il semblait lui-même la trouver absurde--


"Je crois que ce sont de vrais cinéphiles. S'ils sont vraiment ici pour se faire discrets et disparaître de la circulation, il est fort possible qu'ils se montrent pour venir regarder la cérémonie."


"Je vois."


Firo le crut sur parole et commença à observer ses alentours sans se tracasser. Comme il ne connaissait pas vraiment les visages des membres des Mask Makers, Firo décida d'abord de voir s'il pouvait repérer quelqu'un qui avait l'air suspect.


Ayant été un cadre de la Famille Martillo pendant soixante-dix ans, Firo avait développé un instinct qui lui permettait de repérer les gens malhonnêtes autour de lui. Bien qu'il existe certaines personnes capables de le dissimuler adroitement, Angelo lui avait dit que les Mask Makers n'étaient pas aussi subtils.


'Et je pensais que je cachais bien mon jeu, moi aussi...'


On aurait dit qu'avoir été identifié la veille par Angelo avait heurté la fierté de Firo. Il était déterminé à trouver ces Hommes d'Affaires, coûte que coûte.


Firo continua à regarder autour de la scène. Soudain, il y eut des exclamations bruyantes. Un requin gigantesque venait d'arriver du couloir reliant le centre commercial à la zone de stockage.


"Wouah ! Ils vont sérieusement ramener ce requin robot à l'intérieur ?"


Derrière le requin plus vrai que nature se tenait le héros couvert de rouages, agitant les bras en réponse aux vivats de la foule.


"Wow, Charon est vraiment à fond dedans."


"Est-ce que ses mouvements ne sont pas un peu bizarres ?"


"Ah, il doit juste être stressé de se retrouver dans une situation pareille pour la première fois."


Alors qu'Ennis était persuadée d'avoir remarqué quelque chose d'étrange, Firo continua à regarder la créature aux rouages en souriant.


"Ça me rassure de voir que même Charon peut se comporter en être humain."



<==>



Pont supérieur, au bord de la piscine.




C'était une piscine en extérieur, utilisée par des hommes et femmes célèbres se relaxant en maillots de bain.


Et tandis que ces gens se délectaient du luxe que représentait de l'eau fraîche sous le soleil couchant en plein milieu de l'océan, une fille fort remarquable dans sa robe jaune et noire de goth loli se déplaçait parmi eux.


"Ils ne sont pas lààààà. Pas lààààà."


Ayant complètement perdu leur piste, Illness avait passé la moitié de la journée à la recherche - infructueuse - des passagers clandestins. Elle n'était même pas rentrée en contact avec les autres Mask Makers, qui étaient également en train de les chercher.


Si tout s'était déroulé conformément au plan, le détournement du navire devait déjà avoir commencé. Mais personne ne l'avait contactée, et les passagers profitaient tranquillement d'une croisière détendue.


"Je suppose que tout a marché comme sur des roulettes. Ça me rassure. Ça me rassure tellement. Une fin heureuse." disait Illness tout en explorant le navire.


Un coup d'oeil à l'horloge de la piscine lui rappela quelque chose.


"Ah ! La cérémonie de Claudia va commencer !"


Les pensées d'Illness passèrent instantanément des 'passagers clandestins' à 'Claudia'. Elle revint sur ses pas en sautillant, sans accorder un regard de plus à la piscine.



<==>



Devant la fontaine, sur scène.




'Qu'est-ce que je vais faire ?!'


Coincé dans la plus étroite prison au monde, Bobby bougeait ses membres prisonniers pour saluer la foule.


Il était couvert de sueur. L'humidité lui faisait perdre sa concentration.


Le passager clandestin avait été amené sur scène par l'équipage, incapable de s'échapper.


Carnea était probablement encore à l'intérieur du requin juste à côté, qui était en train d'agiter ses nageoires et d'ouvrir et de refermer ses mâchoires.


Bobby s'inquiétait pour Carnea qui risquait d'être blessée par les mécanismes internes du requin, mais il ne pouvait rien faire pour elle pour l'instant.


Il observa les vagues de gens qui l'entouraient depuis l'intérieur du costume.


Il n'y avait pas que la foule devant la scène qui l'observait ; d'innombrables passagers le regardaient depuis les étages supérieurs du centre commercial.


'Est-ce que j'ai déjà attiré autant d'attention dans toute ma vie ?'


Ça n'avait certainement jamais été le cas jusqu'à aujourd'hui, et ce ne serait probablement plus le cas dans le futur.


Le garçon faisait face au plus grand défi de toute sa vie, sous le masque d'un étranger. Mais il n'avait pas le temps de ressasser ses pensées.


'J-je ne sais pas pourquoi, mais on dirait que je n'ai pas besoin de dire quoi que ce soit.'


Bobby se creusait désespérément la cervelle à la recherche d'un moyen d'échapper à sa situation.


'Pour l'instant, je vais continuer à saluer et à acquiescer...' pensa-t-il, et il regarda la foule.


Et quand il repéra les hommes qui les pourchassaient encore peu de temps auparavant au milieu de la foule, il manqua de nouveau s'effondrer.


'Qu'est-ce que ces barjos font ici ?!' Bobby en avait assez de tout ce bazar, mais il ne pouvait rien faire.


Pour le moment, il redoutait par dessus tout que la fille bavarde et le réalisateur enrobé à ses côtés lui demandent d'enlever son masque.


Mais alors que le temps passait sans qu'on ne lui fasse une telle requête, Bobby commença à se demander s'il allait devoir se donner en spectacle éternellement.


Peut-être que tout ça n'était qu'un rêve.


Peut-être était-il encore assoupi dans le canot de sauvetage, et peut-être que la coupe serrée du costume n'était due qu'au fait que Tall ou Humpty s'étaient pressés contre lui dans leur sommeil. Bobby persista dans cette ligne de pensée jusqu'à ce qu'il réalise que dans ce cas, Carnea ne serait qu'une parcelle de son imagination.


'Non, je tiens à ce que Carnea existe.


Mais j'espère que tout ça n'est qu'un rêve.


C'est ça ! Peut-être que j'ai commencé à rêver après que Carnea se soit planquée avec nous...'


Au moment où le garçon têtu émit son souhait, la voix d'une autre jeune fille le ramena contre son gré à la réalité.


"Hé... Tu n'es pas Charon, hein ?"


"...!"


Cette fille, qui semblait avoir à peu près son âge, lui posait le bras autour du cou pour la photo.


Ayant retiré son micro, la fille lui chuchota dans l'oreille de façon à ce que personne d'autre ne l'entende.


"Hé, ça se voit carrément. Je crois que John a remarqué aussi, mais il laisse les caméras tourner pour s'amuser, bien entendu."


"...Ahh..."


"Franchement, à quoi il pensait encore ? Et si tu étais un assassin, ou un fan détraqué ? ...Mais j'ai confiance en Charon, il ne donnerait pas son costume à quelqu'un comme ça. Je suis sûr que tu as une bonne raison de porter ce costume."


La fille rit avec enthousiasme et sourit à ce parfait étranger, sans une trace d'effroi dans ses yeux.


"Allez. Je vais jouer la comédie pour l'instant, d'accord ?"


"Ahh..."


Bobby faillit se tourner vers elle, mais elle l'arrêta en lui chuchotant silencieusement "Ne bouge pas." La fille - la tête d'affiche du film - donna ensuite un certain ordre au garçon dissimulé sous les rouages.


Le sourire qu'elle affichait en lui donnant cet ordre lui donnait une présence redoutable - comme si elle dirigeait le monde entier.



"En échange, tant que tu porte ce costume -- tu dois jouer le rôle du héros !"



<==>



"Hahaha ! Charon a l'air vraiment nerveux là-haut."


Firo souriait stupidement, observant les mouvements peu assurés de L'Engrenage.


"...Bingo. Je les ai trouvés." Angelo murmura à Firo et Ennis, après avoir observé méthodiquement les alentours depuis son siège derrière eux.


"...Vraiment ?"


Firo et Ennis firent de leur mieux pour rester naturels en se tournant vers lui.


Angelo acquiesça en silence, et commença avec un "Restez calmes"--


Il dirigea ensuite son regard vers eux et continua.


"...Ce sont eux qui viennent juste de s'asseoir à côté de nous."




"Ahh, bon sang ! On ne voit rien d'ici, à part l'arrière de leur tête."


"Franchement, Kevin et Baum sont deux sacrés veinards. Ils ont réussi à obtenir un autographe de Charon Walken. Bref, je pense qu'il est trop tard, on n'arrivera pas à accéder à la scène. On essaye plus haut ?"


"Ouais. Bon sang... Tout ça à cause de ces fichus gamins."


Le duo de Mask Makers, qui avait fait partie du groupe qui avait attaqué le restaurant, discutaient à voix basse tout en regardant la scène.


Angelo et les autres gardaient l'oeil sur eux de derrière.


Ayant suivi le fil de leur conversation, ils décidèrent de suivre les deux larrons lorsqu'ils se dirigeraient vers l'étage du dessus.


("Ça ira. Laissez-moi m'occuper du reste.")


("Laissez nous au moins voir comment tout ça va se terminer.")


Firo soupira de soulagement, en se disant que les choses se termineraient bien plus facilement qu'il ne l'avait imaginé.


Cependant, au moment où il se renfonça dans sa chaise, en attendant de voir la démonstration des talents d'Angelo--


Une voix résonna dans le café en extérieur, annonciatrice de chaos.


"Ahhhhh !"


Une voix féminine, encore presque enfantine, se fit entendre juste à côté de Firo.


"Vous ! C'est vous le tireur incroyable de l'autre fois, pas vrai ?! Hein ? Pas vrai ?!"


Firo et les autres se tournèrent d'un air confus vers la source de la voix. C'était la goth loli vêtue de noir et de jaune de l'autre jour, qui pointait l'index vers Angelo avec les yeux écarquillés.


"Quelle coïncidence ! Ah...! Ou bien... Vous êtes là pour tuer quelqu'un ?"


La fille tenait dans la main une tasse de chocolat chaud, probablement achetée au café. Cet endroit était le plus pratique pour se procurer à boire et à manger durant la cérémonie. Il y avait d'autres vendeurs à proximité, mais ce café derrière la scène était le seul où il restait de la place pour une retardataire comme elle.


Ignorant ce détail, Firo et les autres hésitèrent un instant. Ils se retournèrent sous le coup de la surprise.


Ils virent les Mask Makers, qui s'apprêtaient déjà à dégainer.


Angelo se dépêcha aussi de sortir son arme. Même si Angelo arrivait à tirer avant les deux Mask Makers, Firo craignait qu'ils réussissent à placer un tir malgré tout.


Firo réfléchissait encore à toutes ces possibilités quand il s'éjecta de sa chaise pour s'élancer à toute allure.


Les coups de feu éclatèrent.


Même avec sa vision partiellement obstruée par Firo, Angelo parvint à atteindre les deux hommes à l'épaule.


Les balles traversèrent leur épaule, avant de s'arrêter sur la coque du vaisseau.


Pendant ce temps, les balles des Mask Makers se dirigeaient droit vers le front d'Angelo.


Mais elles finirent par se loger dans l'épaule de Firo, qui arriva juste à temps. Les projectiles de petit calibre se figèrent, à l'intérieur du corps de Firo.


"Firo !"


Ennis, la première à réagir, renversa la table où ils étaient assis d'un coup de pied tout en se relevant. Elle projeta ensuite la table sur leurs deux adversaires.


La paire fut envoyée au sol sous l'impact.


Puis, les passagers réalisèrent enfin que ces détonations provenaient d'armes à feu ; leurs cris commencèrent à remplir la galerie.



im16



La zone de la fontaine fut bien vite plongée en plein chaos. Claudia, le réalisateur, et L'Engrenage furent escortés jusqu'à la sortie par des gardes du corps.


Après avoir vérifié que Claudia avait évacué en toute sécurité, Firo soupira de soulagement et se mit à envisager son plan d'action.


'Je peux dire aux gardes de sécurité que ces deux là ont commencé à tirer soudainement... et je suppose que je dois faire l'innocent concernant Angelo ?'


Il regarda autour de lui à la recherche de membres d'équipages ou de gardes de sécurité--


Quand il remarqua un groupe de passagers luttant contre le flux des passagers qui s'enfuyaient, se déplaçant dans leur direction.


Un coup d'oeil suffit à Firo pour être certain qu'ils étaient dangereux.


Leurs mains avaient déjà commencé à saisir quelque chose dans leurs poches.


"Quoi, sérieusement ?"


Profitant du fait que la douleur qui s'était diffusée de son épaule au reste du corps commençait à se dissiper, Firo saisit la main d'Ennis et courut se réfugier à l'intérieur du café.


Angelo le rejoint d'une roulade sans tarder.


A peine un instant plus tard, les coups de feu éclatèrent et les vitres du café explosèrent en mille morceaux.


Durant ce temps, les hommes qui avaient été aplatis au sol par la table se dégageaient en rampant, tout en serrant leurs épaules blessées.


"MERDE ! ARGH ! Il m'a eu ! PUTAIN !"


"Ça va ?" leur demanda tranquillement Illness.


Leur colère exacerbée par son attitude, les hommes déversèrent leur rage endolorie sur Illness.


"Ta gueule ! Va donc t'enfermer dans ta chambre !"


"Tout est de ta faute, espèce de stupide garce !"


Confrontée à ces accusations absurdes, Illness se mit à bouder au milieu de la fusillade.


"Je ne suis pas stupide ! Si je n'avais pas crié, ce tireur vous aurait transformé en nids d'abeilles ! Hmph ! Et je peux être utile dans la fusillade, d'ailleurs !"


La réponse d'Illness était parfaitement calme, sans la moindre trace de désespoir. Les hommes se mirent encore plus en colère.


"La ferme ! Qu'est-ce que tu peux faire sans arme, de toute façon ?!"


"Tu ne sers à rien pour l'instant ! Va chercher ton matos et couvre-nous !"


En guise de réponse, Illness fit une expression qui évoquait vaguement la rage ou la crise de larmes--


"Je m'en moque !"


Et elle s'en alla, en criant comme une enfant.


La silhouette d'Illness se perdit bientôt dans la foule en fuite, impossible à suivre ou à distinguer.


Et comme s'ils remplaçaient Illness après son départ, les Mask Makers qui étaient mélangés aux passagers pénétrèrent dans le centre commercial, levant le rideau sur une fusillade brutale.



<==>



Sur la passerelle.



"Hé, qu'est-ce qui se passe là-bas ?"


L'homme masqué demanda d'un ton anxieux, après avoir été contacté par un camarade désespéré.


Et tandis que l'acolyte continuait son rapport, le visage sous le masque se faisait de plus en plus pâle.


"...Ce gangster est à bord...?"


Il se mit à jurer en entendant qu'une fusillade avait éclatée, et commença à distribuer calmement des ordres à ses subordonnés.


"...Gardez-le bouclé là-bas pour l'instant. Je vais prévenir le centre de communications pour qu'ils bloquent les lignes des passagers. En attendant--


Je vais vous envoyer Life."



<==>



"Toutes mes excuses. On dirait que je vous ai entraîné dans une fusillade après tout."


"Ne vous en faites pas. Ce n'est pas de votre faute."


Alors que les coups de feu et les hurlements de panique se propageaient dans la galerie, Firo et les autres s'étaient réfugiés dans le café et évaluaient leur situation.


Les clients et les employés s'étaient déjà enfuis par la porte de derrière ; Firo, Ennis et Angelo étaient les seuls à l'intérieur.


De plus, Angelo était le seul à avoir un pistolet. Firo et Ennis n'avaient pas d'arme.


"Comment va votre épaule ?"


"A votre avis ? Sérieusement, à ce rythme là, tous mes habits vont finir par être troués."


Soulagé d'entendre Firo faire de l'humour, Angelo s'excusa d'un air contrit. Il passa la tête et un bras par delà le mur, et tira à plusieurs reprises.


Ils entendirent un grognement de douleur venant d'un coin du centre commercial. Il avait probablement atteint sa cible.


"Il est mort ?"


"Non, j'ai visé son bras. Il va mourir de l'hémorragie s'il n'est pas soigné rapidement."


"Ça a l'air si facile, à vous entendre."


C'était presque une folie de viser le bras avec un simple pistolet dans des circonstances pareilles, mais accomplir un tel exploit montrait bien que les compétences d'Angelo surpassaient largement celles du premier tireur venu.


"Je ne peux pas les laisser mourir si vite, après tout." répondit calmement Angelo.

Firo secoua la tête en signe d'incrédulité et murmura, "J'ai presque envie de vous embaucher comme garde du corps là tout de suite."


"Mes excuses. Comme je vous l'ai dit plus tôt, j'ai juré fidélité à mon boss."


"Ouais. Eh bien, il a bien de la chance de vous avoir."



Quelques minutes plus tard.




"Bon sang, il y en a combien dehors ?"


Firo inspira en silence tout en regardant les balles voler dans leur direction depuis tous les coins du centre commercial.


Plusieurs de leur adversaires étaient vraisemblablement morts ou blessés grâce à Angelo, mais on aurait dit qu'ils renouvelaient constamment leur effectif.


Et pourtant Angelo continuait froidement à les abattre.


Firo suspectait que l'issue du combat allait dépendre de ce qui s'épuiserait en premier : les munitions d'Angelo ou l'effectif de leurs adversaires.


Mais soudain, un bruit assourdissant retentit dans la galerie.


Angelo leva la tête pour voir ce qu'il se passait, mais se retourna presque aussitôt.


Au même instant, un son violent explosa dans toute la zone, et le sol près de l'entrée du café commença à voler en éclats.


"...Peu importe leurs pistolets. Comment ont-ils pu ramener un truc pareil ?"


Firo jeta un rapide coup d'oeil par la fenêtre. Ses yeux se dirigèrent vers le quatrième étage de la galerie. Une ombre portant un fusil d'assaut se tenait devant une boutique de produits de luxe.


Étant donné qu'ils leur tirait dessus, c'était probablement un allié des Mask Makers ; mais son apparence différait fortement de celle des autres membres.


Il était entièrement couvert par une combinaison de combat noire. Un masque de silicone lui couvrait le visage, ainsi qu'une paire de lunettes à l'air mécanique. Comme il n'avait pas la moindre parcelle de peau visible, on aurait facilement pu le prendre pour un cyborg.


"Tu devrais rester en arrière, Ennis. Ce type a l'air d'un sacré malade." dit Firo à Ennis, qui se tenait à côté de lui, sur la défensive. Il se tourna ensuite pour s'adresser à Angelo.


"Hé. Qui c'est ce type habillé comme un personnage de jeu vidéo ?"


"...Il n'y en avait que deux vêtus de cette manière au restaurant, la dernière fois. J'en ai éliminé un... alors celui-ci est probablement quelqu'un d'autre."


"Si je vous suis bien, il y a encore au moins un autre type comme ça ?"


"Oui. Une jeune demoiselle qui ferait mieux de manier la poupée que l'arme à feu. Vous l'avez vu il y a quelques instants."


'Quoi ? Quelques instants, il veut dire... la fille avec la robe de goth loli ?'


Firo aurait bien voulu lui demander quelques précisions, mais le moment n'était pas des mieux choisis. S'ils tentaient de sortir du magasin, il se feraient abattre sur le champ ; mais ils ne pouvaient pas s'y terrer indéfiniment.


Quand Firo jeta un second coup d'oeil vers l'étage, il vit l'homme en tenue de combat patrouiller la zone, se déplaçant d'avant en arrière devant la barrière métallique de la boutique.


Firo choisit de laisser Angelo décider s'ils allaient s'échapper par la porte arrière ou s'occuper tout de suite du nouvel arrivant.


Bien entendu, il comptait faire sortir Ennis par la porte arrière dans tous les cas.




Dans ce moment d'une tension extrême, Angelo remarqua que son téléphone vibrait.


Il le sortit de sa poche, et voyant le nom 'Demolisher' s'afficher à l'écran, décrocha sans hésiter.


[Yo, boss Angelo. Comment qu'tu vas ?]


"Tu m'observe en ce moment même, non ? Est-ce vraiment la peine de me poser la question ?"


[Non, j'imagine. T'es dans une sacré merde là. Bref, qu'est-ce que M. Casino fout là avec toi ?]


"J'expliquerai plus tard. Si tu ne peux pas m'aider à me dégager de là, pas la peine de me faire perdre mon temps. Je raccroche."


Tandis qu'Angelo lui parlait au téléphone en se plaquant derrière le mur, le Demolisher ricana et lui proposa une solution.


[De l'aide, hein ? Alors tu veux qu'je m'bouge pour m'occuper de ce fils de pute avec les lunettes, au quatrième ?]


"Tu peux le faire ?"


[Bien sûr que j'peux m'en occuper, y'a pas de civils qui traînent dans l'coin pour l'instant.]


"...Quoi ?"


Angelo eut un pressentiment désagréable, en entendant son partenaire se mettre à ricaner à l'autre bout de la ligne.


"Hé, attends. Ne me dis pas que tu--"


[J'ai installé mon matos, alors relax, profite du spectacle, boss Angelo.]


Sur ces mots, le Demolisher raccrocha--




Et immédiatement après, une explosion colossale secoua la coque.




Il n'y avait pas de signe d'incendie, mais l'onde de choc se propagea jusqu'à Firo et ses compagnons.


Le grondement résonna à travers toute la galerie, et les passagers qui s'étaient figés de peur en entendant les coups de feu se mirent à fuir en redoublant de vitesse, vers le pont ou vers leurs cabines. Ils s'éloignèrent du centre commercial le plus rapidement possible.


Quand Firo sortit prudemment la tête, il remarqua que toute la zone entourant la boutique du quatrième étage - là où l'homme en tenue de combat se trouvait il y a à peine quelques secondes - s'était totalement effondrée. L'endroit était rempli de fumée et complètement inaccessible, les couloirs intérieurs bloqués par les gravats.


L'homme dans la combinaison noire avait disparu. Il avait probablement été écrasé sous les débris ou bien il s'était échappé par le couloir, coupé du reste de la galerie.


Les tirs avaient cessé en même temps que l'explosion. Les autres Mask Makers semblaient avoir battu en retraite ; il n'y eut pas de coup de feu quand Firo se releva.


Firo revint dans le café et s'adressa à Angelo, pris d'une inquiétude soudaine.


"Hé... C'était votre partenaire au téléphone, à l'instant ? Qu'est-ce qu'il a fichu, au juste ?"


Angelo, qui serrait le téléphone tellement fort qu'on aurait dit qu'il allait le briser dans sa main, lui offrit une réponse d'un air furieux.


"Il m'a dit de ne pas m'en faire... parce qu'il a placé des explosifs pareils dans tout le navire."


"...Ça vous dérange si je lui mets une petite raclée après ?"


"Si vous pouvez l'atteindre avant que je le descende." répondit stoïquement Angelo. Firo resta silencieux en observant une fois de plus la galerie.


Et soudain--


"Hein...? Charon ?!"


Au rez-de-chaussée du centre commercial dévasté se trouvait la créature aux rouages, qui se dirigeait en courant vers le requin animatronique près de la fontaine.


"Quel idiot ! Qu'est-ce qu'il fabrique ?"


Firo se mit à courir sans réfléchir. Les voix d'Ennis et d'Angelo se mirent à l'appeler.


"Hé !"   "Firo !"


Mais Firo ne s'arrêta pas. Il courut de l'autre côté de la fontaine et saisit L'Engrenage par l'épaule, juste au moment où celui-ci s'apprêtait à plonger le bras à l'intérieur de la gueule du requin.


"Qu'est-ce que tu fais, Charon ?! C'est dangereux ici--"


Soudain, L'Engrenage se mit à trembler et cria doucement, "F-Firo !"


'Hein ?


Ça... Ce n'était pas la voix de Charon.'


Firo aperçut quelque chose.


Au bout de la main tendue de L'Engrenage, à l'intérieur de la gueule gigantesque du requin, se trouvait la silhouette d'une jeune fille.


"Qu-qu'est-ce que...? Elle n'est pas blessée ?!"


'Qu'est-ce qu'une petite fille fait dans un endroit pareil ?!'


Firo s'empressa d'attraper la fille à l'intérieur des mâchoires béantes du requin. Faisant bien attention de ne pas la coincer dans les dents de la créature robotique, Firo réussit à l'extirper et la posa par terre avec douceur sous le requin.


"Est-ce que ça va ?!"   "T-tu vas bien ?"


Firo et L'Engrenage s'exprimèrent simultanément. Firo était maintenant sûr que le garçon à côté de lui n'était pas Charon.


La jeune fille semblait avoir été sérieusement ébranlée par l'explosion. Elle regardait Firo et L'Engrenage avec des yeux vides.


"Ils risquent de se remettre à nous tirer dessus n'importe quand. Venez là-bas, vite !"


Firo prit la fille dans ses bras et commença à courir vers le café d'où il était venu. L'inconnu qui portait le costume de L'Engrenage le suivit.




Angelo et Ennis se précipitèrent dans le café en même temps que Firo déposait doucement la fille au sol.


Pour une raison inconnue, les yeux d'Angelo étaient écarquillés de surprise. Surpris par son expression, Firo s'apprêtait à lui demander ce qui clochait--


"Ah... uh..."


Mais la fille semblait avoir recouvré ses esprits, alors il décida de garder sa question pour plus tard.


"Hé, réveille-toi."


Mais la fille fixait du regard quelque chose derrière Firo. Ses yeux s'agrandirent.


"Angelo ! Ah, c'est vraiment toi, Angelo !"


Elle se releva d'un bond et serra Angelo dans ses bras.




Et le garçon dans le costume de L'Engrenage, qui assistait à la scène à ses côtés--


'Hein ? Qu-qu'est-ce qui se passe ?


Alors ce type... ce type est...'


Le garçon se rappela ce que la fille lui avait révélé la veille sur les raisons de son embarquement clandestin.


'C'est ça. Quelque chose comme quoi elle cherchait une personne qui était comme un père...


Attends. Ce type aux airs de molosse ?!'


Le garçon restait là, l'air perdu, mais les mots que l'homme nommé Angelo prononça ensuite le plongèrent dans une spirale de confusion.




"Non... comment est-ce possible..."


"Je suis tellement soulagée... Je suis tellement heureuse que tu ailles bien, Angelo !"


Angelo serra la jeune fille encore tremblante et choquée dans ses bras--


Et, encore sous le coup de la surprise, révéla un certain fait.


Un fait tellement stupéfiant que même Firo et Ennis en furent abasourdis.


"Comment...



Comment est-ce que vous êtes arrivée là, Boss ?!"



<==>



Sur la passerelle.




"Capitaine ! Pourquoi vous ne répondez pas à--ah... Ah...!"


Les hommes masqués pointèrent une arme sur le membre d'équipage qui venait juste d'entrer.


"Hé, hé, hé. Nous ne sommes pas dans un hôtel bas-de-gamme où les cafards se promènent à loisir. Au rythme où vous allez, nous allons finir par manquer de place pour tous vous garder ici. Vous ne croyez pas ?"



Ça ne faisait pas plus de cinq minutes qu'ils avaient reçu des messages leur signalant qu'une fusillade avait éclatée. Les membres d'équipages inconscients de la situation avaient débarqués dans les quartiers du Capitaine les uns après les autres, se faisant tous capturer à leur tour.


Le système de communication du navire était dans le plus grand désordre, et l'impossibilité de contacter le monde extérieur ne faisait qu'aggraver la panique à bord.


"Bon sang ! Tout se passait comme sur des roulettes jusqu'à ce qu'on coupe les communications satellite depuis le centre de communications... Mais si ça continue, il vont se rendre compte qu'on est là !" L'homme masqué soupira anxieusement.


"...Qu'est-ce que vous disiez déjà, que vous ne toucheriez pas aux passagers, bande de salopards ?" cracha le Capitaine avec dédain.


"Nous n'avons encore abattu aucun passager, et nous ne comptons pas le faire. Nous essayons juste de neutraliser un élément dangereux, qui est armé avec un flingue." répondit le bandit. Le Capitaine se mit à les maudire en silence.


Les hommes masqués se détournèrent du regard meurtrier du Capitaine et commencèrent à discuter tranquillement.


"Mais quand même, c'est vrai que la situation devient sérieuse."


"Qui aurait pensé que ce gangster nous suive jusqu'ici ?"


"Franchement... Je n'étais pas là, mais c'est lui qui a eu Death, non ?"


"Comment a-t-il su que nous étions sur ce navire ? Et comment est-ce qu'il a fait pour ramener un flingue avec lui ?"


"Merde. Il y a probablement un Hannibal Lecter parmi nous. Pas de doute possible."


"Je pense que nous aurions déjà dégusté si Hannibal était là."


"Il nous aurait dégusté corps et âme !"


On aurait dit qu'une atmosphère détendue s'installait, mais--


"...C'est vrai qu'Illness était là aussi ?"


"Ouais. Mais elle s'est barrée juste après, apparemment."


"Je vois. Elle n'a probablement pas d'arme, de toute façon."


L'homme qui avait été le premier à récupérer les armes avec Life prit un ton sérieux et donna un ordre à ses camarades.


"...Appelez Illness. Il faut qu'elle s'équipe complètement--non, elle peut garder sa tenue civile. Donnez lui juste des armes. Nous devons arrêter ce gangster."


L'un des membres, qui n'était pas là lors de l'incident du restaurant, éleva nerveusement la voix. "Même Life avait du mal à affronter ce type !"


Mais l'homme, qui était présent lorsque Death et plusieurs de ses camarades avaient été tués, afficha un sourire machiavélique sous son masque.


"Vous voyez, ce gangster prétentieux est un vrai chevalier en armure étincelante de la vieille époque - il ne tue pas les femmes et les enfants."



<==>



Plusieurs minutes plus tard, dans la cabine d'Illness.




"Hé, Illness ! Tu dors ?!"


Ayant perdu patience face à l'absence de réponse d'Illness, l'un des Mask Makers déverrouilla la porte avec un passe-partout récupéré sur la passerelle.


"Hé, Illness ! C'est à toi de...?"


Dans la cabine se trouvait un gamin assis sur une chaise, devant trois autres garçons, attachés.


"Qu-qui êtes vous, sales morveux ?! Comment vous êtes entrés ?"


Bien que l'homme soit renversé par ce spectacle inattendu, il interrogea les enfants d'un ton agressif.


"Ne me dites pas que vous êtes avec ces passagers clandestins ?!"


Les garçons se regardèrent avec hésitation en entendant les mots "passagers clandestins", mais--


"Qui êtes vous, monsieur ? La dame très gentille que j'ai rencontré à la piscine m'a emmené ici pour qu'on joue ensemble !" lui dit le plus jeune gamin avec un sourire innocent. "Vous savez, monsieur ? Mademoiselle Illness m'a dit qu'elle allait jouer avec ces enfants après, alors je dois les surveiller !"


"Qu...?"


"Elle a dit qu'elle allait me donner un super cadeau si je le faisais !"


Ayant tiré sa propre conclusion des déclarations du garçon, l'homme se mit à grincer des dents de façon audible.


"Ce-cette salope est tarée ! Je savais que c'était une malade, mais une maniaque sexuelle ?! Quelle pute !" Il leur cracha, "Hmph ! Ce n'est plus l'heure de jouer, les gosses. Allez, retournez chez vos mères !"


L'homme dénoua les cordes qui attachaient les enfants et les expulsa de la cabine.




"Stupide garce ! Elle a laissé sa radio dans la cabine...! Et elle n'est même pas allumée !"


Czes jeta un coup d'oeil rapide à l'homme en train de crier, et ils suivit les autres enfants à l'extérieur.


Suivant les garçons qui restaient muets, Czes prit un air sérieux et éleva la voix.


"On dirait que la situation a tourné au vinaigre. Pour l'instant, nous devrions dégager d'ici."


"Euh..."


"Si vous ne voulez pas mourir, vous feriez mieux de ne pas prendre de décisions hâtives. Vous pouvez rester dans ma cabine un moment, si vous voulez."


Czes se remit à parler d'un ton mature qui ne correspondait pas à son apparence.


"T-tu--tu n'es pas un adulte, mais c'est comme si tu étais un adulte !" cria Tall, en regardant Czes bouche bée.


"Cette phrase n'a aucun sens, Tall."


"La ferme, Troy ! Adulte n°1, silence !"


"Arrêtez de vous battre."


Tout en continuant leur dispute, les garçons décidèrent de suivre Czes pour le moment et de s'échapper.


Dans sa tête, Czes soupira de soulagement.


'J'avais un mauvais pressentiment depuis le début. Bon sang ! D'abord ce village l'année dernière, et maintenant ça ! Tout va de mal en pis depuis que le 21e siècle a commencé !'


Quelque chose le préoccupait depuis qu'il avait posé les pieds à bord de ce navire. Et tandis qu'il réfléchissait au lien entre cette impression et la situation actuelle--


Czes fut une fois de plus saisi d'une sensation de mauvaise augure.


'...?


Qu'est-ce que j'ai ?


C'est comme si... je n'arrivais pas à oublier ce pressentiment...


Non, je dois me concentrer.'


Czes secoua la tête, accusant son imagination. Il continua de courir, prêt à faire tout ce qu'il pouvait.


Il mettrait les enfants en sécurité dans sa cabine, et retrouverait Firo et Ennis.


Et sans même avoir l'occasion d'estimer ce qu'il avait à y gagner et ce qu'il risquait d'y perdre, Czes fit confiance à son instinct et plongea dans une situation criblée de balles.


Sans même savoir le tour que le destin lui réservait.



<==>



Plusieurs minutes plus tard.




C'était alors que les passagers tremblaient en entendant les coups de feu résonner quelque part dans le navire--


Soudain, une voix mâle au ton vulgaire se mit à se déverser de tous les haut-parleurs du vaisseau.


[Hé bien, hé bien, hé bien. Mes excuses pour cette intervention abrupte, mais j'aimerais faire une annonce. Langue anglaise uniquement ; pas de traduction étrangère, alors si vous ne parlez pas anglais, veuillez fixer l'écran attentivement, je vous prie. Voyons... Nous sommes un groupe de mystérieux bandits qui avons pris le contrôle du navire. C'est un plaisir de faire votre connaissance. Nous pouvons tout nous procurer, de l'uniforme militaire au missile gros calibre, mais ne nous demandez pas d'avions de chasse~! Nos objectifs et nos identités sont un secret, chers passagers~! Qu'est-ce que vous en dites ? Est-ce que vous ne sentez pas votre coeur battre avec allégresse ?]


De nombreux passagers envisagèrent que cette étrange voix réjouie fasse partie de l'événement promotionnel organisé par John Drox.


Cependant, les coups de feu et les détonations leur firent vite comprendre la réalité des choses.


Ce n'était pas une farce, ou une animation de la croisière.


Mais ils souhaitaient tout de même croire--


Que leur voyage se ferait en toute sécurité.


Et leurs espoirs furent cruellement brisés par la scène qui allait prendre place sous leurs yeux.


[Hé bien, hé bien, hé bien. Comme nous ne pensons pas que nos passagers vont nous croire, même si nous vous disions que nous avons installé des bombes et du gaz mortel dans le navire, nous allons vous prouver nos dires ! Une preuve que ce vaisseau est sous notre contrôle. Une salve d'applaudissements, je vous prie ! Mesdames et messieurs, veuillez diriger votre regard vers les fenêtres ! Passagers à bâbord, sur votre gauche ! Passagers à tribord, à votre droite ! En d'autres termes, je vous demande de regarder sur les côtés, alors grouillez-vous, putain !]


La voix inconsistante dans les hauts-parleurs se mit à hurler un ordre soudain aux passagers.


Et lorsque les gens regardèrent par les fenêtres conformément aux ordres--


"R-regardez ! Là-bas !"


"Ce sont... les canots de sauvetage ?!"


Les canots de sauvetage avaient tous été chargés sur leurs grues, et étaient en train d'être mis à la mer--sans une seule personne à bord.


Rien que ça aurait suffi à lancer la panique générale, mais le maître de cérémonie derrière les hauts-parleurs avait prévu quelque chose de plus intense.


[C'est l'heure du feu d'artifice, tout le monde ! La nuit n'est pas encore tombée, mais veuillez tout de même vous donner la peine d'applaudir !]




Brusquement, des tiges de lumière et de fumée s'élevèrent de quelque part sur le navire, en direction des canots de sauvetage--



Un flash


Une déflagration fracassante


La lumière


Les flammes


L'incendie



De chaque côté du navire, un canot fut frappé par un projectile et explosa. Le reste des canots disparurent sous les vagues, et ne refirent pas surface.


Telles furent les informations délivrées aux passagers.


Qui était derrière cet incident ? Quel genre d'armes possédaient-ils ? Que cherchaient-ils à obtenir ?


Aucune de ces questions ne reçut même un soupçon de réponse.


Mais les informations qu'ils avaient reçus suffirent à donner aux passagers une idée de ce qui se passait.




[Voilà pourquoi, mesdames et messieurs, passagers et membres d'équipage, nous vous prions de ne pas vadrouiller à bord du navire ; veuillez rester tranquillement dans vos cabines ou à vos postes de travail. Tant que j'y suis, laissez-moi vous révéler un petit secret : nous avons de nombreux camarades infiltrés parmi vous, alors profitez bien de la paranoïa ambiante qui ne saurait manquer de s'installer !]


Et quelques secondes après que le public ait réalisé ce qu'il venait d'entendre--


Les hurlements de panique se mirent à résonner dans la ville flottante.



<==>



Passerelle.




Après avoir offert cet avertissement bien spécifique, l'annonce pour le moins particulière prit fin. Ce n'était pas un plan très sophistiqué, mais il avait été choisi pour ne pas avoir à garder les passagers sous une surveillance stricte. Ils se contentaient de garder le navire en otage pour les négociations à bord d'Exit, et ils avaient juste à s'assurer de leur issue de secours pour s'enfuir.


C'était une méthode fort peu professionnelle, mais les hommes masqués gardaient toujours leur attitude décontractée, comme s'ils étaient parfaitement habitués à de telles situations.


"Vous savez, nous ne tenions vraiment pas à en arriver à de telles extrémités. Ne vous en faites pas. Nous ne comptons pas massacrer les passagers. J'ai juste hâte de voir votre groupe faire faillite suite à toutes les plaintes que vous allez recevoir. Haha !"


Coupant l'interrupteur des communications, l'un des Mask Makers riait derrière son masque en plaisantant.


Le Capitaine, toujours ligoté, serrait silencieusement les dents.


L'homme masqué l'observa d'un air satisfait. Il ouvrit grand les bras et commença à pivoter sa tête d'avant en arrière.


"Si vous tenez à blâmer quelqu'un, blâmez ce gangster plus-cool-tu-meurs qui a embarqué. J'imagine qu'il se pose la même question à notre sujet, mais comment a-t-il fait pour ramener un flingue à bord, tout de même ? La sécurité est vraiment aussi laxiste, par ici ?"


"Fermez votre gueule, sale raclure...! Vous dites que vous n'allez pas tuer les passagers ?! Alors que vous avez abandonné les canots de sauvetage ?!"


"Non, non. Je vous l'ai dit, nous ne comptons pas faire couler le navire. Nous avons même un plan d'évasion tout préparé. Mais ! Si nous devons faire face à une rébellion à bord, nous pourrions faire en sorte qu'un peu de ce gaz merveilleux se répande par les conduits d'aération dans la zone concernée."


"Salopard...!"


L'homme ignora la rage du Capitaine. Sifflotant, il alluma sa radio.


"Hé, aux communications. Je vais contacter l'autre vaisseau maintenant, alors vous pouvez faire en sorte que les communications satellite n'atteignent que l'Exit ?"


[Ç'a l'air si simple à t'entendre... Je peux m'en occuper, et si tout se déroule comme prévu, ils devraient être en train de faire la même chose de l'autre côté.]


"Nos employés sont tellement fiables."


Après une période de silence, l'homme reçut un [Ça fonctionne] de sa radio. Il cessa de siffloter et sortit son téléphone portable.


"J'me demande si Aging tient le coup."


Il appuya sur une touche d'appel automatique du téléphone, et attendit que la connexion se fasse--


[Hé, ça boume ?]


"Yo, Aging ! Comment ça se passe sur l'Exit ? On a eu quelques soucis, mais on a réussi à prendre le contrôle du navire tranquille." lui confia l'homme masqué, oubliant délibérément de mentionner Angelo.


La personne à l'autre bout du fil - Aging - éclata d'un rire énergique.


[Ravie de l'entendre ! Je suis presque folle d'excitation tellement on s'éclate par ici !]


"Ça a l'air chouette. Comment s'en sortent les autres ?"


'Ah... Je me demande s'ils ont déjà fini le boulot et s'ils sont partis se détendre au casino de leur côté ?'  s'interrogea l'homme, envieux de ses camarades. La réponse fut toujours aussi enjouée--


[Ouaip, le patron est toujours vivant ! Tous les autres sont morts !]


"Ah ouais ? Maintenant que j'y pense, c'est vrai que le patron était avec toi--"


L'homme s'interrompit en plein rire.


"Qu'est-ce que tu viens de dire ?"


[Y'a plus que moi et le patron par ici ! Est-ce que c'est pas franchement bidonnant ?]


"A-attends. Attends une seconde."


L'homme se mit à avoir des sueurs froides, et repassa toutes les informations dans sa tête.


Ils avaient pris en compte le fait que le patron serait à bord de l'Exit, et avait alloué plus d'hommes à ce côté de l'opération.


Mais tout le monde était mort - qu'est-ce que ça voulait dire ?


"Attends... Ne me dis pas que tu nous a trahis en éliminant tout le monde et que tu as pris le patron en otage ?!"


[Oh, c'est bien plus amusant que ça, vieux chacal. Ptét' bien que Death a juste eu envie d'un peu de compagnie ! Gahahahaha !]


"Hé ! Bon dieu, qu'est-ce ce que vous foutez là-bas ?! Quoi, ne me dis pas que Steven Seagal ou Jet Li sont à bord du navire ?! Ou est-ce qu'il vous est tombé dessus avant le début de l'opération ?"


[Nan, je doute qu'il sache déjà pour nous. De toute façon, il n'est pas du genre à prendre l'initiative et à se débarrasser de nous.]


Ses suppositions firent chou blanc, et la conversation commençait à déraper.


L'homme masqué reprit sa concentration, et se remit à interroger Aging.


"Alors quoi ?! Vous avez été attaqués par un monstre à tentacules, comme dans Deep Rising ?!"


[Nan. Comment dire... Ah, ouais ! Je vais expliquer ça avec des exemples de films, ça devrait vous plaire.]


Aging poursuivit, sans perdre son ton enjoué.


Et ses mots plongèrent les Mask Makers à bord de l'Entrance dans les affres de la peur.




[On a à peu près deux cent zombies, et un tas de Jasons et de Freddies. Ouais, c'est ça ! Gahahahaha !]



<==>



Couloir du navire.




Illness courait.


Sans destination. Sans objectif.


"Hmph. Qui est-ce qu'ils traitent d'inutile ? Ce n'est même pas mon boulot tant que la police n'est pas là ! Ils peuvent se brosser pour que je leur file un coup de main ! J'espère qu'ils se feront descendre par le gangster !"


Elle avait une idée de ce qui se passait à bord. Elle avait aussi vu les canots de sauvetage exploser depuis les balustrades extérieures.


"Franchement ! Quelle bande de salauds ! Après tous leurs discours sur un 'détournement en douceur' ! Ça ne va pas du tout ! D'ailleurs, comment Claudia va-t-elle pouvoir s'échapper s'ils se débarrassent des canots de sauvetage ?"


Illness continuait à courir, sans prendre la peine de dissimuler sa colère envers ses alliés ; mais elle n'avait aucune destination en tête.


Au final, elle avait décidé d'accompagner la première de ses connaissances qu'elle croiserait en chemin.


'Ah, je me demande si Claudia va bien.


Je dois faire quelque chose au sujet de M. le Gangster.


Est-ce que Czes s'en sort, aussi ?


Je me demande si ces clandestins sont toujours en train de se balader dans le coin.


Ah, que faire ?! Qu'est-ce que je dois faire ?!


Tout est de leur faute !'


Illness se mit à grogner et à ronchonner, envisageant d'accueillir les Mask Makers d'un coup de pied jeté au visage la prochaine fois qu'ils se verraient.


Soudain, le téléphone portable dans sa poche se mit à vibrer. Illness s'arrêta un instant.


'Ah oui, j'ai laissé la radio dans la cabine.'


Elle se dissimula dans un coin du hall et décrocha l'appel. L'affichage indiquait 'appel inconnu', ce qui était un peu suspect, mais le fait qu'un appel ait réussi à passer signifiait que ça venait forcément de l'un des Mask Makers.


Illness prit une grande inspiration, s'apprêtant à leur livrer le fond de sa pensée. Elle mit le téléphone à son oreille.


Mais--


Elle ne parviendrait pas à reprendre sa respiration aussi facilement.




[...la mort est notre compagne redoutée]




"------------"


Sa respiration se figea.




[...la vie une si terrifiante ennemie]




Le temps sembla s'arrêter.




[l'angoisse épouse la lumière... la honte se joint à l'obscurité... je me tiens humblement devant l'Exalté... et porte cette modeste herbe à mes lèvres]




"--------------!!!"


Illness commença à faire de l'hyperventilation ; mais avant même d'essayer de stabiliser sa respiration, elle projeta le téléphone contre le mur.


"Non..."


Le cri sortit de sa bouche avant que sa respiration se soit calmée.


"Non, nononononononononononon... non... n-nonononononoooooooooon... comment... comment... c-comment...?"


C'est tout ce qu'elle parvint à dire. Au moment où sa respiration revint à la normale, elle se mit à régurgiter bruyamment sur le sol. Elle n'avait rien mangé récemment-- ses fluides digestifs s'extirpèrent avec force via son estomac, son œsophage, et par sa bouche.


La suite de mots poétiques qui s'était déversée de son téléphone.


Quel sens renfermaient-ils pour elle ?


Illness tituba sur quelques mètres, avant de tomber à genoux et d'éclater en sanglots terrifiés.


On aurait dit le son d'un petit enfant perdu pleurant de désespoir.


Mais il était impossible d'entendre ses pleurs dans le chaos qui enveloppait le navire ; sa voix rebondit contre les murs et se dissipa.


Et sans une seule oreille pour l'écouter, le son se contenta de se disperser dans cet espace restreint.



im17



<==>





   le gangster le Demolisher et leur chef

les jeunes passagers clandestins

les "Mask Makers"   Illness Life

la star de cinéma     le cascadeur le réalisateur et son équipe




Et une famille immortelle qui souhaitait juste profiter de vacances paisibles.




Le navire avançait, transportant en son sein une myriade de personnages.


Ce monde clos s'agrandissant indéfiniment--


Avalait leurs émotions en naviguant les mers.


Tout en répandant le désespoir qu'il renfermait à la surface de l'océan.




Et à l'extrémité de la route de ce navire--





--> Interlude

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